Deuil périnatal : des parents brisent le silence

Jeudi 28 Octobre 2021 - 19:53

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Comment faire face à la mort et au deuil de son enfant ? Comment surmonter ce chagrin indescriptible ? Des parents endeuillés qui ont vécu cette grande douleur confient avec pudeur leur pénible vécu, entre la mort d’un enfant et la vie qui, malgré tout, doit continuer.

Encore alitée suite à une éclampsie (hausse de tension), Nella Ibouanga est promptement réveillée par le pédiatre qui lui annonce brutalement que sa fille ne va pas bien. Des explications scientifiques qu’elle a du mal à saisir… « Sa boîte crânienne est petite, ses ventricules cérébraux sont trop grands, son cœur est faible, sa couleur de peau change... », la suite, Nella ne l’entend plus, prise par un malaise. Elle s'évanouit. C’est le lendemain que le couperet tombe, Nella ne pourra pas tenir sa fille dans ses bras car elle n’a pas survécu. « C’est un moment difficile que je ne souhaite à personne de vivreLe choc est d’autant plus brutal que tout semblait bien aller lors de la dernière échographie, à part le fait que ma tension avait quelque peu augmenté », dit-elle les larmes aux yeux.

« C’est extrêmement difficile, brutal et déchirant en même tempsun choc qui ne se guérit qu’avec le temps je suppose. En tout cas, c'est un paradoxe assez particulier de vouloir donner la vie et finalement donner la mort », explique Natien, le mari de Nella, qui avec la prière essaie tant bien que mal de faire son deuil.

Pour Soso, la trentaine, cette épreuve lui semble insurmontable vu qu’elle vit séparée de son conjoint à cause de son travail. « Si en ce moment ça va mieux, je redoute une rechute. Car malgré ma bonne volonté, je ne sais pas si je pourrai m’en remettre un jour, ça été un véritable éboulement », raconte-t-elle.  

Pour Vinie, la grossesse n’est malheureusement pas arrivée à son terme. A plus de 40 ans, elle rêvait de l'enfant à qui elle n’a même pas pu dire au revoir. « Le plus dur est quand je suis revenue à la maison. Sa chambre, le berceau et tout ce que j’avais préparé, j’ai fondu en larmes… Cela fait déjà plus de six mois mais je n’arrive pas à faire le deuil de mon petit garçon », explique-t-elle en sanglotant.

« C’est une épreuve où il faut s’armer de courage et de résilience exceptionnelle. À partir de ce moment tout change », a déclaré Natien Ibouanga, qui a dû prendre en charge, malgré son chagrin, toutes les démarches administratives pour incinérer sa fille. De son côté, Ruth, fervente croyante, a vu sa foi être mise à l’épreuve. « Après le décès de ma petite fille quatre jours après sa naissance, j’en ai voulu à Dieu, à la terre entière. Comment peut-il permettre cela alors que je m’étais confiée à lui ? Je vous avoue que ma foi a pris un coup jusqu’au moment où je suis retombée de nouveau enceinte », a-t-elle fait savoir.

Pour Grâce Estia Otibili, psychologue, l’idéal serait d’assister ces parents via un accompagnement fondé essentiellement sur l’écoute. « C’est à l’entourage de prendre l’initiative d’en parler, vu que la perte d'un enfant est parfois banalisée et pas assez prise en compte par les pouvoirs publics, le personnel de santé et même l’église pour les croyants », a indiqué la psychologue. 

Une enquête démographique de la santé, réalisée au Congo entre 2011 et 2012, montre que le taux de mortalité infanto-juvénile est élevé au niveau national. Durant les cinq dernières années, sur 1 000 naissances vivantes, 39 meurent avant d’atteindre leur premier anniversaire (22 entre 0 et 1 mois exact et 18 entre 1 et 12 mois exacts) et, sur 1000 âgés d’un an, 30 n’atteignent pas leur cinquième anniversaire. Globalement, le risque de décès entre la naissance et le cinquième anniversaire est de 68 pour 1 000 naissances vivantes, a mentionné l’enquête.

Qu’il s’agisse d’une fausse couche, de la perte d’un bébé in utero ou à la naissance, les parents vivent un traumatisme et cela nécessite du temps pour se remettre de cette douloureuse épreuve.

C’est pour toutes ces raisons que la Journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal, célébrée dans d’autres cieux tous les 15 octobre, a été initiée. L’occasion d’ouvrir les échanges sur cette thématique encore tabou et très sensible dans notre société.  

 

Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

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