Musique: Bongo Wende s'en est allé

Vendredi 26 Novembre 2021 - 16:15

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Le guitariste soliste, compositeur et arrangeur de la rumba congolaise moderne, Jacques Bongo Wende, dit « Bojack », a tiré sa révérence dans la nuit du 23 au 24 novembre à Rouen, en France, à l'âge de 65 ans, à la suite d’une crise cardiaque.

L’annonce de la disparition de Bongo Wende a été faite par son épouse, Micheline Buate, sur les réseaux sociaux avec ces mots : « Paix à ton âme, mon très cher mari. Que le Seigneur te réserve une place dans son royaume. Je rends grâce pour ta conversion en 2019. A Dieu seul la gloire ». Des mots repris par le journaliste Robert Kongo dans son article sur le décès de ce virtuose de la guitare publié dans l’édition du 26 novembre du quotidien Le Potentiel.

Les hommages

La nouvelle de la disparition de celui qu’on avait surnommé « le Dactylo de la guitare » ou encore « Jimmy Hendrix de l’ex-Zaire » a suscité  l’émoi sur les réseaux sociaux. Sur la page Facebook officiel de feu Papa Wemba, on peut lire : « Le drapeau du village Molokaï est une fois de plus en berne. Bongo Wende,  ‘’le dernier fils né du village Molokaï’’, vient de tirer sa révérence. Un guitariste exceptionnel et l’un des généraux de  Papa Wemba qui a marqué toute une génération ».

D’autres anciens musiciens de Viva La Musica où il a évolué pendant un bon bout de temps, à côté de Papa Wemba, ont promptement réagi à l’annonce de sa disparition, lui rendant hommage. Reddy Amisi Mela « Bailo Canto » a écrit sur sa page officielle : « Adieu Bongo Wende Bojack. Mes condoléances à sa famille biologique. Croyez à mon affectueux soutien dans cette terrible épreuve. Que ton âme repose en paix frérot ».

Le phénoménal batteur Richard Balengola Yende lui a aussi rendu hommage : « C’est avec grande tristesse que j’ai appris le décès de ce grand-frère et collègue de Viva La Musica de Papa Wemba. On a eu à partager plusieurs scènes ensemble, dans plusieurs villes du Congo et aussi en Europe. On vient de perdre un grand guitariste soliste et compositeur. Il pouvait jouer à la guitare solo avec ses dents, sans qu’il y ait une seule fausse note. Repose en paix Bongo Wende ».

Awilo Longomba ne s’est pas tu, lui aussi : « Adieu mon grand Bongo Wende. Repose en paix. Que la terre de nos ancêtres te soit légère », ainsi que Luciana Demingongo Augustin qui a écrit: « Repose en paix le grand Bongo Wende ».

Au cours d’une interview accordée à Robert Kongo en juin 2016, Bojack Bongo Wende déclarait qu’il était toujours la même personne, le même artiste, même s’il avait pris quelques distances avec la musique comme métier, car son travail de technicien dans l’aéronautique en France où il s’était installé depuis plusieurs années lui prenait beaucoup de temps.

« Je me suis donné un temps de réflexion. Continuer à faire de la musique, comme je l’ai fait par le passé, n’était plus possible. La musique congolaise nourrit difficilement son homme. Il fallait que je m’oriente vers autre chose pour assurer ma vie et celle de ma famille », affirmait-il.

Il déplorait le comportement actuel des musiciens congolais. « De plus, ce n’est plus cette musique congolaise que j’ai connue. Je suis dégoûté du phénomène dit la polémique qui a pris corps dans la musique congolaise et qui crée un climat malsain entre les artistes musiciens. A notre époque, c’est l’émulation qui régnait en maître. Nous entretenions des rivalités qui nous poussaient à nous égaler ou à surpasser l’autre. Nous ne nous invectivions pas, comme c’est le cas aujourd’hui. Ce comportement m’a aussi refroidi », disait-il. Et il ajoutait, par rapport à la rumba jouée aujourd’hui : « Notre musique est devenue monotone. Quand j’écoute les chansons congolaises, j’ai du mal à distinguer ces différents groupes musicaux. Ils chantent et jouent tous de la même manière. Si on ajoute l’obscénité, les dédicaces et la polémique, c’est la catastrophe. Et pourtant, nous avons des artistes de talent dans ce pays. Quel gâchis ! ».

Deux icônes de la musique congolaise ont beaucoup marqué sa carrière, Lita Bembo et Papa Wemba. Il résumait ainsi ses passages dans Stukas Boys et Viva La Musica : « De Lita Bembo, je garde le souvenir d’un meneur d’hommes et d’un bosseur qui m’a fait beaucoup travailler. Et c’est grâce à Papa Wemba que j’ai commencé à prendre conscience de mon statut de musicien professionnel. Ces deux phénomènes de notre musique m’ont énormément appris ».

Histoire de la carrière de Bongo Wende

Né en 1954 à Kinshasa, l'enfant de l’avenue Djolu, au quartier Matonge, dans la commune de Kalamu, joue à la guitare depuis ses 8 ans, influencé par le guitariste Jimmy Hendrix. Sa maman ne l’entend pas de cette oreille, il n’est pas question que son rejeton devienne musicien, métier considéré à l’époque comme celui des voyous. Elle est, d’ailleurs, la seule à ne pas apprécier sa première apparition à la télévision nationale jouant de la guitare dans Stukas de Lita Bembo. Mais elle finit par s’y résoudre. Mais avant Stukas, Bongo Wende fait partie du groupe Izi Zonge vers 1973, devenu guitariste soliste titulaire après le départ de Mbuta Joël pour l’Europe (celui qui a joué dans l’album « Moselebende » du feu Olémi dans Zaïko Langa Langa). Le chanteur phare d’Izi Zonge, c’est Kalala Kalidjogo, alors que Sadi joue la guitare basse. C’est dans la chanson « Lukunku », que Bongo Wende fait étalage de son talent pour la première fois, dans la droite ligne du style de Pépé Felly Manuaku Waku. Il joue dans d’autres chansons comme « Mikeyina », sa propre chanson « Mami Chou ». 

Il est débauché d’Izi Zonge par Gaby Lita de Stukas Boys pour sa dextérité à la guitare, afin de remplacer le soliste « professeur » Samunga, parti créer un groupe avec Kisola Nzita et Suke Bola. Bongo Wende s’affirme dans Stukas avec son exceptionnel talent, avant que les jeunes du quartier Matonge ne viennent  le prendre pour l’intégrer dans Viva La Musica, chez son aîné du quartier, Papa Wemba. Il est là lors de la première sortie de Viva La Musica en 1977 à la télé, présenté par « Bokul » comme « le dernier fils né du village Molokaï ». Son apport est indéniable dans le style mélodieux particulier et le tempo de Viva La Musica.

En décembre 1982, le chanteur Kester Emeneya quitte Viva La Musica pour former Victoria Eleison, avec à sa suite Tofolo Tofla, Huit Kilos Nseka Bimwala, Pinos Tembo, Santana Mongo Ley, Pinos (guitaristes), Mpasi Samba Patcho Star et Ekoko Mbonda (percussionnistes). Bongo Wende rejoint Victoria en 1983, avec Safro Manzangi et le batteur Otis Koyongonda. Bojack prend une part très active dans plusieurs morceaux du groupe, auteur même du tube « Soirée dansante ».

Il s’installe ensuite en Europe au début des années 1990 et retourne dans Viva La Musica. Il est l’artisan de l’album « Romeo et Juliette » de Stino Mubi L’AS de la chorale de Viva La Musica, et aussi de l’opus « Jolie Medina » de Djonolo… Lors d'une deuxième vague de départ d’un autre groupe de musiciens de Viva La Musica, Bongo Wende est dans la barque pour former Nouvelle Génération, étant le principal guitariste soliste de cette nouvelle formation musicale à partir de l'Europe. Il y écrit des chansons, entre autres, « Mon patron », « Ma chérie »… C’est donc quasiment un guitariste monument qui vient de s’éteindre, provoquant de l’émoi chez plusieurs de ses pairs et mélomanes. Paix à son âme.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Jacques Bongo Wende Bojack a tiré sa révérence...

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