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Hommage d’un maritimiste à Martin Parfait Aimé Coussoud-Mavoungou

Mercredi 16 Mars 2022 - 11:45

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« De l’imaginaire à l’écrit. C’est une traversée difficile, c’est une mer périlleuse. La distance semble, à première vue, petite, mais que ce périple est long et hasardeux pour les navires qui l’entreprennent ». C’est en évoquant ces pensées du poète Cavafis que je rends hommage au ministre Martin Parfait Aimé Coussoud-Mavoungou. Je ressens une vive émotion et de l’inquiétude à l’idée de dire quelques mots sur lui, car, malgré toute l’attention et tous les efforts dont je peux faire preuve lors de ce voyage de l’évocation d’un homme, il n’est pas impossible que j’ai pu jeter par-dessus bord des objets qui lui étaient précieux ou même briser quelques-unes de ses meilleures choses.

Le ministre Coussoud-Mavoungou, président d’honneur de l’Association congolaise du droit maritime (Acodm) nous a quittés, le 14 mars 2022. Avec lui, le monde maritime perd un expert, sans doute l’un des plus grands de notre sous-région d’Afrique centrale, le Congo, le secteur maritime congolais et moi-même perdons une référence, un amoureux et passionné de la mer.

Dans sa jeunesse, habitant la ville côtière de Pointe-Noire, comme bon nombre de ses condisciples du lycée, il profitait de ses week-ends pour aller à la plage. C’est à ces occasions qu’a, probablement, commencé à sommeiller en lui l’envie de prendre la mer, nonobstant ses dangers.

Administrateur en chef des affaires maritimes, il a eu un parcours remarquable au sein de la direction générale de la Marine marchande. Il finit par en devenir le directeur général, un homme rompu à la tâche qui affectionnait de se retrouver dans des navires pour des contrôles ou des missions d’expertise.

C’est en 1998 que la carrière du ministre Coussoud-Mavoungou prend une autre tournure. Il développe son expertise et son réseau. Il participe, régulièrement, aux conférences du Comité maritime international et de l’Organisation maritime de l’Afrique de l’ouest et du centre (Omaoc) dont le Congo est membre, depuis 1975. Il prend part à la plupart des conférences de droit maritime et de droit de la mer.

Lorsque le Congo assure la présidence de l’Omaoc, il est certes dans l’ombre, mais est un des principaux ouvriers qui doivent traduire en acte « le management stratégique de la mer » développé par le président de la République, le 29 septembre 1998 à Brazzaville, à l’occasion de la réunion des ministres de cette organisation.

Il a, par ailleurs, en 1989, eu une contribution déterminante dans la signature de l’accord de coopération entre les universités de Nantes et Marien-Ngouabi. Il en était le parrain. Ce qui a fortement permis l’instauration, pour la première fois, à la Faculté de droit, d’un cours en droit maritime en licence III et en master I.

En même temps, Martin Parfait Aimé Coussoud-Mavoungou poursuivait l’œuvre de construction du droit maritime dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac). On lui doit la révision à Brazzaville, après plusieurs années de travaux, du Code communautaire de la marine marchande, le 22 juillet 2012, et dont les dix ans seront célébrés cette année. De nos différents échanges, il avait fait la promesse de s’y impliquer personnellement.

Le Congo a ratifié les principales conventions maritimes internationales dont les dispositions pertinentes ont été intégrées dans le Code Cémac. Il en a souvent été la cheville ouvrière. On pense à cet instant à la Convention du travail maritime de l’Organisation internationale du travail de 2006 (MLC 2006), à la Convention des Nations unies pour un contrat de transport international des marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer (Règles de Rotterdam) sans que cette liste soit exhaustive.

Le 14 janvier 2014, l’Union africaine a adopté la stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans d’ici à l’horizon 2050, dite stratégie AIM 2050, sous l’impulsion du président de la République, Denis Sassou-N'Guesso. C’est une vision africaine intégrant tous les aspects liés au domaine maritime en vue du bien-être social de la population africaine. Elle vise à développer une économie bleue. A cette occasion, c’est encore lui qui était aux côtés du président de la République.

Appréciant l’œuvre maritime du ministre Coussoud-Mavoungou, les efforts que celui-ci déployait sans relâche pour la poursuite et la consolidation des liens entre la France et le Congo dans le domaine maritime, le gouvernement français lui avait décerné, tour à tour, les décorations d’officier et de commandeur dans l’ordre du mérite maritime français. Prophète dans son pays, il était grand-officier dans l’ordre du mérite congolais mais également officier dans l’ordre national ivoirien.

Dans son ouvrage « Pour une marine marchande au service du développement, discours » publié, en 2017, aux éditions L’Harmattan Congo-Brazzaville, il faisait partager au secteur maritime en général et aux Congolais en particulier ses trente-cinq ans de vie administrative maritime. A la vérité, il y dévoilait une part de son testament au secteur maritime comme il l’avait lui-même affirmé.

En accédant à la fonction de secrétaire permanent de l’action de l’Etat en mer et dans les eaux continentales, structure nouvellement créée, le ministre Coussoud-Mavoungou avait fait le pari de davantage de sécurité, de sûreté maritime et fluviale pour la consolidation de la maritimisation de l’économie nationale. Mais Dieu, maître des temps et des circonstances, en a décidé autrement.

Un inlassable ouvrier de l’esprit et de la technique s’en est allé. Souhaitons-lui le repos éternel et restons dans l’espérance.

 

 

Eric Dibas-Franck président de l’Acodm

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Édition Quotidienne (DB)

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