Coopération : Israël s’emploie au réchauffement de ses relations avec l’Afrique

Mercredi 8 Juin 2022 - 13:15

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Après la normalisation de ses relations avec certains pays arabes ainsi qu’avec le Maroc et le Soudan, l’Etat hébreux se relance depuis quelque temps sur le continent pour renforcer sa coopération dans plusieurs domaines dont l’agriculture, l’économie, l’énergie, la lutte contre le terrorisme et les nouvelles technologies. L’objectif est d’obtenir un soutien accru des pays africains dans les enceintes internationales.

Dans le cadre de cette ambition, un colloque s’est tenu en mai dernier à Paris sur les « défis et les opportunités » d’un « retour d’Israël en Afrique ». Le ministre israélien des Affaires étrangères estime que cela est une « priorité » pour son pays. « Notre classe dirigeante est désireuse de pouvoir approfondir notre relation avec l’Afrique et les opérateurs économiques sont à la recherche aussi de partenariats », indique de son côté l’ambassadeur d’Israël au Sénégal, Ben Burgel, ajoutant que c’est une période de « pleines promesses et d’attentes ».

Israël et l’Afrique entretenaient de bonnes relations dans les années 1960, notamment après l’accession à l’indépendance de certains Etats du continent. Celles-ci ont été rompues en 1973 par tous les pays membres de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), l’ancêtre de l’Union africaine, en solidarité avec l’Egypte dont une partie du territoire, le Sinaï, était occupée par l’armée israélienne à la suite de la guerre de Kippour. Il faudra attendre les années 1990 pour que certains liens soient restaurés. Israël entretient aujourd’hui des relations diplomatiques avec une quarantaine d’Etats africains. Grâce à son offensive diplomatique, l’Etat hébreu a obtenu en 2021 le statut d’observateur au sein de l’organisation panafricaine malgré l’opposition de l’Afrique du Sud et de l’Algérie.

« Dans l’ensemble, Israël a définitivement fait des percées en Afrique », estime Steven Gruzd, de l’Institut de relations internationales d’Afrique du Sud, évoquant des liens forts « avec des Etats d’Afrique de l’Est comme le Kenya, l’Ouganda, l’Ethiopie et le Rwanda ». Pour l’ancien ambassadeur d’Israël en France et aux Nations unies, Yehuda Lancry, au-delà des enjeux économiques et sécuritaires, Israël vise un objectif bien précis sur le continent africain. Le périple de Benjamin Netanyahu de 2017 dans certains pays africains « avait pour objectif le raffermissement de la présence d’Israël en Afrique, notamment pour qu’Israël au sein des enceintes internationales et surtout de l’Assemblée générale de l’ONU puisse disposer d’un meilleur vecteur de soutien des pays africains », rappelle-t-il.

L’expertise multisectorielle israélienne recherchée par les Etats africains

L'objectif de l'Etat hébreux a été « largement rempli », selon Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales à Paris et auteur d’un rapport en 2020 portant sur les relations Israël-Afrique.

« Certains pays africains sont géographiquement stratégiques. Depuis la création d’Israël, le pays entretient une relation spéciale avec le Kenya. Ou encore l’Éthiopie, qui est une fenêtre ouverte sur la mer Rouge, un lieu de passage stratégique pour Israël au niveau commercial et sécuritaire », explique Anne-Sophie Sebban-Bécache, docteur en géopolitique et directrice de l’American Jewish Comittee Paris.

L’agriculture et l’expertise technologique figurent parmi les domaines de compétence israéliens les plus prisés sur le continent africain. « Il y a des signes de projets à venir développés par Israël pour encourager des start-up à émerger en Afrique », affirme la chercheuse. S’agissant particulièrement du secteur agricole israélien, elle relève qu’il dispose d’une expertise technologique pointue en matière de culture en milieu aride, de production d’énergies renouvelables et de gestion de l’eau. « Israël a cherché dès sa création à atteindre l’autosuffisance et à développer l’agriculture, tout en devant composer avec un climat désertique. D’ailleurs, avant l’établissement de relations diplomatiques entre l’État hébreu et les pays du continent, les premiers contacts se sont d’abord noués entre l’Agence d’aide au développement israélienne de l’époque et les gouvernements africains. De nombreux Africains se sont formés en Israël sur des techniques agricoles », poursuit Anne-Sophie Sebban-Bécache.

Dans le domaine de la sécurité, l’expertise antiterroriste israélienne est aussi de plus en plus recherchée en Afrique de l’Ouest et de l’Est, tout comme son arsenal militaire. « Déjà en 2013, lorsqu’un centre commercial de Nairobi au Kenya a été victime d’une attaque des islamistes somaliens shebab, des signes de coopération entre les unités d’élite anti-terroristes israéliennes et le gouvernement kenyan ont été perçus », rappelle David Khalfa, chercheur à la Fondation Jean-Jaurès. « Le rétablissement, dans quelques mois ou quelques années, des relations entre Israël et les pays du G5 Sahel pourrait conduire la France à revoir sa stratégie dans le domaine de la lutte contre le djihadisme en coopérant davantage avec les Israéliens pour contrer notamment l’influence grandissante des Russes », note-t-il.

 

Nestor N'Gampoula

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