Interview. Passi Bibène : « Il faut penser à une politique d’éducation aux médias et à l’information »

Vendredi 12 Août 2022 - 16:32

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Diplômé supérieur de l’université de la francophonie d’Alexandrie en Egypte, Passi Bibène est chargé de cours à la Faculté des lettres, arts et sciences humaines de l’Université Marien-Ngouabi, au Congo-Brazzaville. Nous l’avons rencontré pour discuter sur la législation de la communication au Congo, objet de son récent ouvrage publié aux éditions Renaissance Africaine à Paris.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : En publiant un essai sur le droit de la communication en République du Congo, quelles ont été vos motivations ?

Passi Bibène (P.B.) : L’ouvrage « Droit de la communication en République du Congo » est le prolongement du cours de droit de la communication dont j’ai la charge au parcours des sciences et techniques de la communication (STC). Initialement, le cours était focalisé sur le droit de la presse. Or, au parcours STC, on ne forme pas que les journalistes. Il y a également les spécialistes de la communication ainsi que ceux des métiers de la documentation. Pour toutes ces spécialités, l’idée était de mettre à la connaissance des étudiants les dispositions juridiques et réglementaires qui encadrent ou régissent chacun de ces secteurs de la communication en République du Congo.

L.D.B.C. : Dans quels secteurs de la communication trouve-t-on plus de limites en matière de règlementation et d’application juridique ?

P.B. : Il me semble que dans tous les trois secteurs de la communication précités (journalisme, publicité et documentation) il existe encore des limites.

En publicité par exemple, force est de constater que la définition proposée par le législateur congolais ne précise pas si c’est la publicité directe ou indirecte du tabac qui est interdite.

La régulation de la publicité au Congo accuse non seulement des faiblesses sur plus d’un aspect, mais elle souffre aussi de beaucoup de vides juridiques. La non-distinction ou l’indéfinition de tous les moyens de communication (médias ou hors-média) constitue une difficulté majeure dans la régulation des publicités. A l’état actuel, la loi ne précise pas si le mur de clôture (d’une parcelle) peint aux couleurs d’un produit doit être défini comme support de communication. Autre exemple, dans sa forme actuelle, la loi n°8-2001 est muette sur plusieurs types de publicité, à savoir la cyberpublicité, la publicité ciblée ou personnalisée et la publicité des boissons alcoolisées.

Et je pense qu’il est temps que les professionnels de la communication, mieux de la publicité au Congo se dotent d’un code d’éthique et de déontologie. Pareil pour les professionnels des métiers documentaires. De même, pour le droit du public à l’information, il est nécessaire de vulgariser les textes régissant la communicabilité des archives publiques à caractère historique et d’intérêt général. Il ne suffit pas de dire que  l’accès aux archives est ouvert à toutes les catégories d’utilisateurs .

L.D.B.C. : La jeunesse représente l’avenir d’une nation. Pensez-vous que les lois de la protection de la moralité des enfants et des jeunes sont respectées dans les médias ?

P.B. : Je dois avouer que les médias classiques congolais sont très pudiques dans l’ensemble. Je trouve que les télévisions congolaises veillent sur la protection des mineurs aux images de nature à porter atteinte à la pudeur et aux bonnes mœurs et ne cèdent guère à l'outrage et l'attentat à la pudeur, l’apologie du viol, au proxénétisme, à l'incitation à la débauche et la corruption de mineurs. Nos chaînes de télévision s’attellent également à protéger les mineurs des contenus pornographiques et des images violentes/choquantes comme le veut la loi n°4-2010 du 14 juin 2010 portant protection de l'enfant en République du Congo.

A mon avis, le défi et le danger auquel la jeunesse congolaise est exposée viennent d’Internet et des nouveaux médias qui échappent à tout contrôle. Pour pallier cette menace, il faut penser à une politique d’éducation aux médias et à l’information. C’est le seul moyen à ce jour pour espérer une utilisation mesurée des réseaux sociaux, la lutte contre la désinformation, les fakenews et la cybercriminalité, le respect de la vie privée sur Internet…

Propos recueillis par Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Passi Bibène

Notification: 

Non