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La présidentielle kényane

Samedi 10 Septembre 2022 - 15:46

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Nous faisons allusion à l’élection ayant opposé l’ancien vice-président William Ruto à l’un des caciques de la vie politique kényane, Raila Odinga, le 9 août. Le premier l’a emporté sur une courte tête avec 50, 49 % des voix contre 48, 85 % au second, laissant planer l’incertitude sur la recevabilité de ce résultat contesté par son rival. Mais cette ambigüité appartient désormais au passé puisque la Cour suprême a tranché en faveur du vainqueur, lequel prêtera serment ce 13 septembre en présence d’autres dirigeants africains.

Le fait inédit de ce scrutin majeur au Kenya a été le soutien apporté par Uhuru Kenyatta, le président sortant, à son ex-rival Raila Odinga au détriment de son colistier et vice-président pendant dix ans, William Ruto. Il est vrai qu’en raison du fort clivage ethnique et de son ancrage politique dans la société kényane depuis l’indépendance du pays en 1963, par temps de crise les deux hommes symbolisaient globalement le parti de la cohésion ou de la désunion nationale. L’un est, en effet, le fils du premier président du pays, Jomo Kenyatta, et l’autre le fils de Oginga Odinga, premier vice-président.

Les routes de Jomo, un Kikuyu, et Odinga, un Luo, s’étaient ensuite séparées, celui-ci devenant après la rupture un opposant de poids au président. L’antagonisme entre les deux figures de l’indépendance a rythmé la vie publique du Kenya et plus tard façonné l’engagement politique de leurs fils-héritiers. Ils ambitionnent tous de diriger leur pays et se « heurtent » pour la première fois presque par défaut en 2007. A la suite de l’élection du président Mwai Kibaki contestée par Raila Odinga, mais soutenue par Uhuru Kenyatta, les violences interethniques feront 1500 morts et des centaines de milliers de déplacés.

Un gouvernement d’union nationale voit le jour en 2008 conduit par Raila Odinga et dans lequel Uhuru Kenyatta est vice-Premier ministre et ministre du Commerce puis des Finances. Il gagne un premier mandat présidentiel en 2013, et un second en 2017, toujours contre Raïla Odinga mais toujours dans un climat de fortes tensions. L’apaisement s’installe en 2018 quand Odinga bénéficie du prestigieux statut de chef de file de l’opposition. La réconciliation entre eux est si spectaculaire qu’Uhuru Kenyatta déclare soutenir la candidature d’Odinga à la présidentielle du mois passé.

Cette décision du président a été fortement critiquée y compris dans son propre camp. Mais peut-être qu’elle a sauvé le Kenya d’une énième spirale des violences postélectorales. L’homme contre lequel Raila Odinga a perdu l’élection présidentielle deux fois de suite dans une atmosphère délétère, et qui décide de lui apporter son soutien pour lui succéder a sans doute essayé de le faire de bonne foi. Et aussi d’amener l’opposant historique à comprendre qu’une élection peut être gagnée ou même être perdue parfois honnêtement. Dans le cas d’espèce, poursuivre la contestation comme il a tenté de le faire après l’annonce des résultats provisoires, comme ce fut le cas sous Mwai Kibaki ou sous Uhuru Kenyatta, pourrait s’avérer politiquement ruineux.

Au demeurant les politiques de l’envergure de Raila Odinga ont le secret de la longévité. Se représentera-t-il dans cinq ans ? Seul l’avenir nous le dira.

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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