RDC : Moïse Moni Della : « Kabila et Tshisekedi, deux faces d'une même pièce ? »

Lundi 19 Septembre 2022 - 15:15

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Dans une tribune publiée le week-end, le président du parti politique Conservateurs de la nature et démocrates (Conade), ancien cadre et co-fondateur de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et compagnon d’Etienne Tshisekedi dans l’opposition contre les régimes Mobutu et Kabila-père et fils, pose un diagnostic sévère de la situation du pays depuis plusieurs décennies. Il regrette que Felix Tshisekedi, qui porte dans ses veines le sang de son maître et père politique, l'un des treize parlementaires, défenseur acharné de la démocratie, de l'État de droit et du bien-être du peuple congolais, n’apporte pas le changement tant attendu par tous.

Moïse Moni Della appelle, en effet, les Congolais à ne pas avoir la mémoire courte et de faire une lecture sereine de la situation que traverse le pays depuis plusieurs décennies. « Je ne comprends pas la tendance à la mode aujourd'hui qui consiste à sanctifier Joseph Kabila et à diaboliser Félix Tshisekedi. Je peux comprendre que les gens disent : avant Kabila égale après Kabila, comme disait le général Janssens : avant l'indépendance est égal à l'après indépendance. Nous ne devons pas avoir la mémoire courte et oublier tous les crimes politiques et économiques perpétrés par Kabila et sa famille, ses partisans et courtisans. Albert Yuma, PCA de la Gecamines, nous a révélé comment le pays était saigné à blanc par le régime de Kabila qui a bradé ses richesses minières », a-t-il dit. Et de rappeler les enquêtes de RFI et France 24, qui ont démontré combien la RDC sous Kabila a été vendue à vil prix ; ainsi que les affirmations de l’ancien vice-président américain, Al Gore, dans un livre, selon lesquelles la RDC a vendu plus de la moitié de sa forêt et de ses terres. « Je ne sais pas si les gens réalisent un tel crime. On peut tout vendre, mais pas la terre de nos ancêtres », a souligné Moïse Moni Della.

Pour le président de Conade, qui se dit porte-parole du peuple, en effet, ce scandale a été produit sous le règne de Kabila. « Je suis témoin oculaire du bradage d'une société minière de l'État, en tant qu'ancien mandataire de la Sodimico (Société de développement industriel et minier du Congo), une ancienne filiale de la Gecamines aujourd'hui en faillite à cause de Kabila et ses acolytes que j'avais dénoncés, occasionnant mon éviction abusive », a-t-il fait savoir. Et de poursuivre : « Je suis également témoin oculaire des massacres à grande échelle perpétrés sous les ordres de Kabila et exécutés d'une manière chirurgicale, criminelle, sans état d'âme, par le général de pacotille, de façade et de parade Amisi Kumba dit ‘’Tango Four’’, le 19 septembre 2016 dans la ville de Kinshasa. J'ai arpenté huit couloirs de la mort après un traitement inhumain et dégradant, avant d'être jeté comme un animal à la prison de Makala que je qualifie, dans un ouvrage en chantier, de ‘’La République de Makala, une prison au service d'un pouvoir’’ ».

La brimade des opposants

Cet ancien de l’UDPS note, par ailleurs, que plusieurs combattants de forces politiques et sociales de l'époque ont été arrêtés, torturés et tués comme des mouches, plus particulièrement ceux de Conade, du Mouvement lumumbiste progressiste de Franck Diongo et surtout de l'UDPS, dont certains étaient même calcinés au siège de Limete.

Moni Della affirme que pour ces crimes de sang, crimes contre l'humanité, tous indescriptibles, il a porté plainte à la Cour constitutionnelle et fait la dénonciation à la Cour pénale internationale. « Alors, en quoi Kabila est-il saint aujourd'hui pour le regretter jusqu'à souhaiter son retour ? Si tel est le cas, cela voudrait tout simplement dire que les Congolais que nous sommes avions une mémoire très courte. Un peuple sans mémoire est un peuple sans espoir, sans avenir. C'est ce qui explique, d'ailleurs, la répétition des crimes par les pouvoirs successifs, comptant sur l'amnésie collective. ‘’Bakomesana !’’ », a-t-il regretté.

Déçu par le pouvoir en place à Kinshasa

Le président de Conade fait part, dans sa tribune, de sa déception sur la gouvernance du régime de Félix Tshisekedi. « Nous qui avions lutté contre les antivaleurs des régimes de Mobutu et des Kabila (père et fils), sommes déçus de voir qu'un de notre, Félix Tshisekedi, de surcroît fils de notre père politique, l'un des treize parlementaires, défenseur acharné de la démocratie, de l'État de droit et du bien-être du peuple congolais, soit incapable d’apporter le changement tant attendu », a-t-il affirmé. Et de regretter que le clientélisme, le népotisme, le favoritisme, le sectarisme, la coterie tribale, la corruption, la concussion, le trafic d'influence, les détournements des derniers publics aient la peau dure aujourd'hui comme hier. Mais, a-t-il indiqué, ses égarements ne sont pas à comparer à ceux de son prédécesseur. Bien que les scandales déplorés sous Kabila persistent.

Cet ancien de l’UDPS pense, par ailleurs, qu’on peut même remonter le temps jusqu'à l'époque de Mobutu ; sauf qu'à cette époque, il n'y avait pas des autoroutes de l'information comme les réseaux sociaux aujourd'hui. « Les rétro-commissions que le président de la République avait classées sur la liste de non- illégales dans une émission mémorable sur France 24 et TV5 Monde se pratiquaient aussi par Kabila et son entourage. L'acte posé par le conseiller du président en matière stratégique, Vidiye Tshimanga, est certes condamnable mais c'est une goutte d'eau dans l'océan de la corruption, l'une des raisons qui découragent les investisseurs.  Ce qui se passe ailleurs se passe en RDC, mais ce qui se passe en RDC ne se passe nulle part ailleurs », a-t-il souligné, avant de faire savoir que le développement, tout comme la destruction, sont des processus cumulatifs. « La destruction de la RDC a commencé avec Mobutu en passant par les Kabila et Félix Tshisekedi est le continuateur de cette sale besogne. On ne peut pas avoir la mémoire courte jusqu'à oublier la répression des Lumumbistes, des 13 parlementaires, des fondateurs, co-fondateurs, pionniers et combattants de l'UDPS par les régimes de Mobutu. Imputer la destruction du pays à un seul président et son régime serait injuste et subjective. On est face à une œuvre successive. Les responsabilités sont partagées à tous les niveaux, à des degrés différents », a conclu Moïse Moni Della.

 

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Photo: Moïse Moni Della/DR

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