Interview. Pascale Delcomminette : « Notre soutien à la restauration du patrimoine congolais nous tient à cœur »

Mardi 4 Octobre 2022 - 16:45

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Ayant participé à l’inauguration du nouveau centre culturel belge à Kinshasa, le 19 septembre, l’administratrice générale de Wallonie-Bruxelles international (WBI) est satisfaite des trente-six ans de l’institution au cœur de la coopération culturelle entre la République démocratique du Congo (RDC) et son pays. Elle en parle dans cette interview accordée au "Courrier de Kinshasa", au terme de son séjour dans la délégation du ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Pierre-Yves Jeholet.

Pascale Delcomminette, administratrice générale de WBI (Adiac) Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Pourriez-vous éclairer la lanterne de nos lecteurs sur l’agence Wallonie-Bruxelles international  ?

Pascale Delcomminette (P.D.) : Wallonie-Bruxelles international, WBI, est en quelque sorte le ministère des Affaires étrangères de la Belgique francophone. A ce titre, nous nouons des accords de coopération avec des pays parce que les entités comme la communauté française, la Wallonie, ont des compétences internationales. Nous soutenons aussi les artistes dans leurs projets d’internationalisation en les aidant à s’exporter. Nous soutenons aussi les chercheurs, les boursiers, les étudiants dans leur démarche internationale. Pour y parvenir sur le terrain, nous nous appuyons sur seize délégations générales, à l’instar de celle de Kinshasa. Nous avons aussi des centres culturels, un situé à Paris et l’autre qui est opérationnel, depuis des années, ici à Kinshasa. Bien rebâti, il va permettre d’offrir de nouvelles possibilités de partenariats, de collaborations, des mises en valeur des artistes du Congo, mais aussi de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous avons aussi le Théâtre des Doms, à Avignon, qui est une plateforme de rayonnement culturel pour nos artistes.

L.C.K. : Le centre culturel de Kinshasa est implanté depuis 1986. Quel bilan faites-vous de ce parcours, une histoire construite sur trois décennies  ?

P.D. : Le bilan est positif. Nous avons pu accueillir beaucoup de partenaires dans ce centre, des artistes de Wallonie-Bruxelles et surtout du Congo à la fois. Je pense que des liens se sont créés entre les deux communautés. Et maintenant, nous allons vraiment pouvoir changer de braquet, comme on dit chez nous, monter en puissance avec ce nouvel outil, de nouveaux espaces proposés à tous nos opérateurs. Que ce soient des académiques mais surtout des culturels pour créer davantage de connexions avec le monde artistique, les partenaires congolais et ceux de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ceci, parce que nous avons maintenant plus de capacités de valorisation, de rayonnement de nos talents en proposant une programmation à la fois pour les artistes de la RDC de sorte qu’ils se déploient, exposent ou délivrent des spectacles divers ou même présentent des livres, mais aussi en renforçant la présence des artistes et opérateurs culturels de la Fédération Wallonie-Bruxelles ici au Congo pour créer des partenariats. Je pense que nous sommes ensemble, et c’est ce principe que nous voulons déployer entre nos artistes, nos opérateurs et ceux de la RDC pour que la créativité soit de plus en plus internationale. Mais aussi que la culture des uns alimente celle des autres sans perdre son âme, dans le but de s’enrichir mutuellement.

L.C.K. : Quelle était votre visée en venant à Kinshasa dans la délégation du ministre-président  ?

P.D. : La visée était ce grand moment de l’inauguration bien évidemment. Voir ensuite comment nous allons rebondir avec ce nouvel outil. Nous constituons à présent un comité de programmation avec les responsables de Kinshasa mais aussi tous nos experts culturels en Fédération Wallonie-Bruxelles. Voir à quoi ressemble ce magnifique nouvel outil ne nous a pas déçus. Nous avons aussi visité quelques projets démontrant, par exemple, que notre soutien à la restauration du patrimoine congolais nous tient à cœur. C’est certainement un axe que nous allons encore cultiver, qui s'inscrit tout à fait dans l’esprit de la restitution. Je pense que tout le travail de restauration du patrimoine culturel déjà présent ici fait aussi partie de cet esprit-là. Commençons par sauver, remettre en état tout celui d’ici, aider à sa conservation, je crois que cela fait partie des choses que nous voulons soutenir. Nous avons aussi parlé de la rumba parce que nous avons été un acteur important à contribuer pour qu’elle soit inscrite au patrimoine de l’Unesco, c’était essentiel. Notre déléguée générale n’a pas ménagé ses efforts pour que cela se fasse.Kathryn Brahy, déléguée générale de WBI, P. Delcomminette et le M-P Pierre-Yves Jeholet immortalisant leur passage à Kobo Hub (Adiac)

L.C.K. : Pourriez-vous nous parler brièvement des projets soutenus jusqu’ici par WBI ? Quel est votre constat après en avoir fait le tour ces trois jours  ?

P.D. : Chez les très jeunes, nous avons des projets de soutien à la promotion de la langue française avec notamment Bibliomalles. Nous avons soutenu la formation des maîtres à distance ainsi que le concours " Ma thèse en 180 secondes" mais aussi le projet entrepreneurial Kobo Hub pour développer des incubateurs pour les jeunes actifs dans les industries créatives culturelles. Nous voulons vraiment couvrir l’ensemble de la chaîne de développement des individus, des citoyens. Au travers de ces projets-là, j’ai vraiment constaté la richesse de la jeunesse. Le débat mené par les élèves du primaire et du secondaire sur l’histoire de la RDC a révélé leur niveau incroyable de maturité. Un sens de la responsabilisation aussi en tant que citoyens de la RDC. Je repars d’ici très confiante sur le fait que cette génération-là peut vraiment donner le change. La jeunesse est importante ici en RDC comparée à la population vieillissante chez nous en Belgique. Pour moi, c’est une richesse qui n’est pas facile à aiguiller parce qu’il y a beaucoup d’enjeux à prendre en compte. Pour cela, il faut les aider à développer et soutenir le développement de la RDC. Cela me donne beaucoup d’espoir mais l’on est tout de même conscient qu’il reste encore beaucoup à faire après avoir été dans les quartiers plus difficiles, notamment pour les maisons de quartier, les inscriptions au registre de l’état civil, etc. Le constat, c’est qu’à ce niveau le challenge est important. Mais nous pensons aussi que les gouvernements doivent se reposer sur la jeunesse et leur donner la possibilité de s’exprimer et peut-être de donner des pistes à travers une sorte d’états généraux de la jeunesse qui pourraient aider les gouvernants à choisir les bonnes voies. Je crois que les jeunes sont prêts à le faire.

L.C.K. : Quel est votre ressenti personnel au vu de la scène culturelle locale  ?

P.D. : J’ai été éblouie par le jeune groupe qui s’est produit à l’inauguration du centre culturel, il était exceptionnel. Il a chanté et dansé à la fois le Roi lion, Stromae et d’autres choses, fait une réinterprétation d’une grande qualité. On le sait, la scène culturelle congolaise et en l’occurrence kinoise est très créative. Elle inspire beaucoup d’artistes de chez. Nous serons à cet effet vraiment ravis de mettre ces artistes en valeur. L’exposition de peinture Bouche cousue, avec beaucoup d’artistes peintres et des sculpteurs, a montré des œuvres de grande qualité de sorte que je mise beaucoup sur cette combinaison de talents entre la RDC et la Fédération Wallonie-Bruxelles pour que la scène culturelle explose encore davantage. Une explosion de créativité et de couleurs entre nos deux pays.

L.C.K. : Est-ce votre première à Kinshasa ?

P.D. : Non, c’est ma troisième ou quatrième venue, je pense. Je reviendrai avec grand plaisir. Je n’attendrai plus sept ans !  

 

Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1- Pascale Delcomminette, administratrice générale de WBI / Adiac 2 - Kathryn Brahy, déléguée générale de WBI, P. Delcomminette et le M-P Pierre-Yves Jeholet immortalisant leur passage à Kobo Hub / Adiac

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