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De putsch las!

Samedi 29 Octobre 2022 - 17:30

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Ainsi donc le capitaine Ibrahim Traoré, meneur du coup d’Etat abouti contre le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le 30 septembre, devient le nouveau président du Burkina Faso. A l’issue des assises nationales organisées sous son autorité, les 14 et 15 octobre, les 300 délégués présents à Ouagadougou, la capitale du pays, l’ont adoubé et investi dans ses nouvelles fonctions. A 34 ans, les statistiques le donnent plus jeune chef d'Etat au monde.

Le pays des hommes intègres aura, en l’espace de huit mois, vu les militaires sortir de leurs casernes pour dicter leur loi, arguant de ce discours rassurant dont on use de façon magistrale chaque fois qu’il est question de justifier un changement brutal intervenu au sommet de l’Etat. Les circonstances de l’arrivée au pouvoir du jeune capitaine sont à quelques détails près identiques à celles de son prédécesseur.

Le 24 janvier 2022, quand Paul-Henri Sandaogo Damiba écourta le mandat du président Christian Marc Kaboré, la raison invoquée en était la faiblesse de l’Etat dans la lutte contre les groupes armés qui écument le territoire national et y sèment la désolation. Il lui reprocha aussi de ne pas donner suffisamment de moyens aux forces de défense et de sécurité pour assurer avec succès les missions qui leur avaient été confiées. Dans le climat de déliquescence où  de source informée le pouvoir central ne contrôlerait plus que quelque 40% du territoire national, l’argument des putschistes semblait alors tout justifier.

Au bout de huit mois d’exercice, au sein des forces de défense même, les violons ne se sont pas accordés. Accusé de rouler pour lui-même, de s’intéresser plus à défendre ses intérêts que ceux de la nation en danger, Paul-Henri Sandaogo Damiba n’a pas pu arrêter la bourrasque qui l’a emporté. Il aurait, semble-t-il, tenté de résister à ses tombeurs en rassemblant quelques fidèles à portée de main mais pour vite se rendre compte que sa cause était entendue. La voie de la sagesse l’a emporté comme celle de l’exil. Au moins le pays est sauf !

Quand il parvint à son tour à prendre le pouvoir, le capitaine Ibrahim Traoré proclama qu’il n’avait pas l’intention de prendre la tête du pays. Les assises convoquées à la suite de son putsch censées désigner un chef de la transition « civil » ou « militaire », de sorte que lui et ses hommes s’occupent, on suppose, de ceux qui ne laissent pas les Burkinabè fermer l’œil de la nuit, les fameux groupes rebelles. Il semble que ce raisonnement n’ait pas vraiment pris car étant à l’initiative du renversement du précédent régime, la logique voudrait qu’il en assume pleinement les suites.

Un peu comme l’enseigne la sagesse : puisque vous avez jugé bon, arguments à l’appui de vous emparer d’un trophée qui semble vous plaire, et bien, conservez-le jusqu’à ce qu’il vous revienne de juger de l’opportunité de le partager ou non.

Au fond, en dépit du soutien populaire traduit par les manifestations de rue au passage du cortège du capitaine Traoré, les milieux civils et militaires du Burkina Faso ont dû éviter de se donner la peine de lui disputer son trophée. En se disant, « à quoi bon si demain matin un autre soldat se présente pour mettre fin à l’exercice de son prédécesseur ? ». 

Devrait-on peut-être pour l’heure se contenter d’observer si Ibrahim Traoré et son gouvernement travailleront au retour de l’ordre constitutionnel dans vingt-quatre mois comme le réclame la charte de la transition, et si la lutte contre les rebelles ne viendra pas perturber le relatif ordre établi à l’issue des assises nationales des 14 et 15 octobre. 

Gankama N'Siah

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