France : les restitutions des œuvres africaines en question

Vendredi 25 Novembre 2022 - 12:30

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Le 28 novembre 2017, à Ouagadougou, le président français, Emmanuel Macron, prenait un engagement, au nom de la France, de restituer les œuvres pillées à l’Afrique durant la colonisation.  Deux experts avaient été nommés l'année suivante pour faire un état des lieux à ce sujet.

« Le patrimoine africain doit pouvoir être exposé en Afrique et je ne peux pas accepter qu’une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France », avait déclaré Emmanuel Macron, indiquant « que d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». 

Pour faire un état des lieux, il avait nommé dès 2018 deux experts, une historienne d’art et membre du Collège de France, Bénédicte de Savoy , et l’universitaire sénégalais Flewine Sarr, pour étudier et livrer des recommandations sur la restitution de ces œuvres. Cinq ans plus tard, les processus de restitution, qui requièrent une base législative, s’avèrent plus complexes et seules quelques œuvres ont pu retrouver leur terre d’origine. Une étude du journal "Le  Monde" rapporte qu’au moins 90 000 objets appartenant à l’Afrique sont toujours, à ce jour, détenus par des musées publics français et considérés comme « inaliénables ». 

En décembre 2020, une loi relative à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal est définitivement adoptée par le Parlement français. Elle permet aux deux pays de récupérer les vingt-six œuvres du trésor d’Abomey, réclamées par le Bénin, et le sabre d’El Hadj Omar Tall ainsi que son fourreau par le Sénégal. La Côte d’Ivoire en fera de même, avec le Djidji Ayokwé, tambour emblématique d’une tribu locale, et Antananarivo avec la couronne de Ranavalona III, dernière reine de Madagascar, mais sans que la loi nécessaire à l’officialisation de cette restitution n’ait été votée, et donc sans aucun cadre légal officiel. Le Mali, le Tchad et l’Ethiopie réclament à leur tour des milliers d’œuvres leur appartenant dont la plupart sont exposées au musée du Quai Branly. Le rapport de Bénédicte Savoy et Felwine Sarr relève qu’au moins 85 à 90% du patrimoine africain se trouve en dehors du continent. Le musée du Quai Branly est concerné en premier chef. Sur les 70 000 œuvres qui y sont exposées, les deux tiers ont été acquises entre 1885 et 1960 et relèvent potentiellement d’une spoliation de patrimoine. 

Au-delà des œuvres d’art, d’autres « objets » sont détenus par la France grâce à des procédés historiques contestables. Le dossier le plus emblématique est la question des crânes de résistants algériens, dont vingt-quatre sur soixante-huit ont été rendus à Alger en juillet 2020.  Emise par les autorités algériennes en décembre 2017, la requête avait pu aboutir grâce au travail de l’archéologue et historien algérien Ali Farid Belkadi. A l’époque coloniale, les autorités françaises envoyaient en métropole les têtes décapitées de ceux qu’ils considéraient comme des ennemis, pour les entreposer, leur conférant la valeur d’un trophée de guerre. En octobre dernier, une enquête du "New-York Times" a révélé que sur les vingt-quatre crânes, seuls six avaient pu être formellement identifiés comme appartenant à des résistants algériens, semant le doute sur la nature des autres restes humains rendus à l’Algérie. Cinq ans après, la promesse du président français apparaît loin de l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir le retour des bien africains sur leur continent d’origine.

Noël Ndong

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