Sécurité à l’Est : la RDC au centre d’un mini-ballet diplomatique

Samedi 4 Février 2023 - 17:00

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Après le pape François qui a séjourné à Kinshasa du 31 janvier au 3 février, la ministre des Affaires étrangères de la Belgique, Hadja Lahbib, vient également d'être en République démocratique du Congo (RDC), tandis que la sous-secrétaire générale des Nations unies aux affaires humanitaires et coordonnatrice adjointe des secours d'urgence, Joyce Msuya, y est en mission du 5 au 10 février.

La sous-secrétaire générale des Nations unies aux affaires humanitaires et coordonnatrice adjointe des secours d'urgence, Joyce Msuya, arrive en RDC pour attirer l'attention sur la crise humanitaire qui s'aggrave dans ce pays qui compte le troisième plus grand nombre de personnes ayant besoin d'aide dans le monde, indique un communiqué de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Joyce Msuya sera rejointe par Matthew Nims, assistant adjoint de l'administrateur du bureau de l'aide humanitaire de l'Agence américaine pour le développement international (USAID). Selon le communiqué, ils s'entretiendront avec de hauts responsables de la RDC et des organisations humanitaires à Kinshasa avant de se rendre dans l'est du pays pour échanger avec les personnes affectées par la crise.

La sous-secrétaire générale rencontrera également à Kinshasa et à Goma des membres du gouvernement, du corps diplomatique et des représentants d'organisations non gouvernementales afin de discuter des besoins humanitaires et des pistes de solutions.

Selon l’ONU, les conflits, la crise climatique et les épidémies intensifient la pauvreté et la vulnérabilité de la population en RDC. Le pays abrite à la fois le plus grand nombre de personnes déplacées en Afrique (5,7 millions) et de celles en insécurité alimentaire aiguë au monde (26 millions).

Coopération RDC Belgique

La visite de Joyce Msuya intervient après celle de la ministre belge des Affaires étrangères qui est arrivée en RDC le 3 février, juste après le départ du pape François. Elle provenait de l’Angola où elle s’est notamment entretenue avec le président João Lourenço sur la situation qui prévaut dans l’est de la RDC. A Kinshasa, Hadja Lahbib s’est entretenue avec le président de la République, Félix Tshisekedi sur la coopération bilatérale, les relations diplomatiques et la situation sécuritaire. « La Belgique, à l'initiative de la nouvelle stratégie européenne sur les grands lacs africains en cours d'élaboration, veut aider à la baisse de tensions entre Kinshasa et Kigali. Elle avait été l'un des premiers pays européens à condamner le soutien du Rwanda au groupe terroriste M-23 », a indiqué la présidence congolaise sur Facebook.

Pour sa part, Hadja Lahbib a fait savoir qu’elle a exprimé son inquiétude face à l’escalade de la violence dans l’est de la RDC. « Les accords de Luanda et l’intégrité territoriale doivent être respectés », a-t-elle publié sur son compte Twitter. Elle a aussi visité le Centre européen des visas géré par la Belgique et où entre 150 et 180 demandes de visas sont traitées par jour (25 000 en 2022) pour dix-sept Etats de la zone Schengen qui ont confié cette mission à ce pays. Hadja Lahbib  a également visité un centre d’enregistrement de la Commission électorale nationale indépendante où 49 millions de Congolais sont attendus pour être enregistrés.

Sommet extraordinaire de la CAE

Entre-temps, le chef de l'État, Félix-Antoine Tshisekedi, s’est rendu à Bujumbura au Burundi, le 4 février, afin de participer au 20e sommet extraordinaire de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) relatif à l'évaluation de la feuille de route de Luanda. La CAE regroupe le Burundi, la RDC, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud et la Tanzanie. Tout ce ballet diplomatique a notamment comme point commun la situation sécuritaire dans l’est du pays.

Selon le président burundais et président en exercice de la CAE, Evariste Nadishimiye, « l'objectif principal du sommet est d'évaluer la situation actuelle dans l'est de la RDC en vue de prendre des décisions qui amélioreront la situation sécuritaire et faciliteront la restauration de la paix et de la sécurité dans l'est de la RDC ». Le 16 janvier dernier, dans un communiqué, la CAE avait condamné l'attaque horrible contre les fidèles d'une église à Kasindi, dans le Nord-Kivu, qui avait entraîné la mort et les blessures de nombreux fidèles, la veille. A cette occasion, la CAE s'était engagée à restaurer la paix dans l'est de la RDC et à apporter son soutien total dans la recherche d'une solution durable à la situation sécuritaire.

La CAE avait également rappelé qu’elle continue d'appeler toutes les parties à établir un cessez-le-feu immédiat, à respecter le droit international et à assurer la sécurité des civils, afin de permettre une solution pacifique au conflit en cours. Son secrétaire général, Peter Mathuki, avait aussi réitéré l'appel lancé par les chefs d'État de cette région à tous les groupes armés locaux de l'Est de la RDC pour qu'ils participent à des consultations, déposent les armes et rejoignent le processus politique. En outre, il avait réitéré le plein respect de l'intégrité territoriale de la RDC et réaffirmé l'engagement à utiliser les cadres régionaux et mondiaux existants pour traiter le conflit.

Néanmoins, ce sommet se tient également dans un contexte de crise entre la RDC et le Rwanda. Kinshasa accuse Kigali de financer les activités du M23. Trois responsables militaires rwandais, qui faisaient partie de la force régionale de la CAE en RDC, ont été expulsés de Goma. Le secrétaire général Peter Mathuki a écrit au président Félix Tshisekedi, le 1er février, pour demander des explications sur cette expulsion. « La Communauté d'Afrique de l'Est a appris avec inquiétude, le 30 janvier 2023, l'expulsion vers le Rwanda de trois officiers déployés par la République du Rwanda au quartier général de la Force régionale de la Communauté d'Afrique de l'Est à Goma. Votre excellence, vous pouvez vous rappeler que le déploiement des officiers au Quartier général de la Force régionale de la Communauté d'Afrique de l'Est à Goma pour soutenir le Centre de commandement régional était une décision des chefs d'État lors de leur réunion sur le processus de paix dans l'est de la RDC », a écrit Peter Mathuki.

Visite du pape

Le grand événement de ce mini ballet diplomatique aura sans doute été le séjour du pape François en RDC, à la fois comme leader spirituel de l’Eglise catholique et comme chef d’Etat du Vatican. La rencontre avec des victimes des violences dans l’Est du pays et la célébration la messe devant environ un million de personnes ont constitué des moments clés de ce séjour de  jours en terre congolaise.

Dénonçant un colonialisme économique, le pape a notamment déclaré: « Retirez vos mains de la République démocratique du Congo ! Retirez vos mains de l'Afrique ! Arrêtez d'étouffer l'Afrique, ce n'est pas une mine à dépouiller ou un terrain à piller ». Une phrase qui retentira, sans doute, pendant longtemps dans la tête des Congolais.

Une médiation du Qatar ?

Le 23 janvier dernier, le Qatar avait prévu d'accueillir une rencontre entre les présidents congolais et rwandais. Mais, Félix Tshisekedi aurait finalement refusé d'y participer, évoquant des « doutes » sur l’accord envisagé, selon un diplomate africain ayant requis l’anonymat et cité par l’AFP. Selon une source proche de la présidence congolaise, cette rencontre « n’était pas nécessaire » car les processus de Luanda et de Nairobi sont « toujours en cours, et il suffit donc d'appliquer les engagements du mini-sommet du 23 novembre », c’est-à-dire le respect du cessez-le-feu et le retrait des rebelles des zones contrôlées. Ce qui, selon cette source, n'est pas toujours appliqué par « le M23 et son parrain rwandais ».

Néanmoins, le Qatar resterait optimiste quant à la tenue de cette rencontre entre les présidents du Rwanda et de la RDC qui n’a été que reportée jusqu’à nouvel ordre, a déclaré à l’AFP une source anonyme au sein du ministère qatari des Affaires étrangères.« Le Qatar est optimiste quant à la tenue de la réunion à une date qui est encore à déterminer », a-t-elle ajouté, affirmant que son pays souhaitait obtenir des « résultats concrets ».

 

 

 

 

 

 

 

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

1-Le président Tshisekedi avec la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib 2- Antoine-Félix Tshisekedi à son arrivée à Bujumbura pour le sommet extraordinaire de la CAE 3- Le chef de l'Etat congolais avec le pape François 4- Le président de la RDC et l'émir du Qatar, Cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani

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