Interview. Maguy Kalomba : « "Bongolatrices" est comme une sorte de couronnement de carrière »

Lundi 13 Mars 2023 - 15:22

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

A la suite du succès de ses premières représentations en février dernier, la pièce "Bongolatrices" a fait un carton à Genève en Suisse, où elle sera programmée entre octobre et novembre prochains à la saison théâtrale 2023-2024. Maguy Kalomba, qui célèbre cette année ses 30 ans de carrière artistique, a joué à Brazzaville au festival Mantsina sur scène, en décembre dernier, après la grande-première kinoise du 10 juin. Retour sur la genèse de la pièce dans cet entretien avec "Le Courrier de Kinshasa".  

 

Maguy Kalomba, comédienne, metteure en scène et assistante à l’INA (DR)Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : "Bongolatrices", votre tout dernier spectacle, a fait son chemin depuis les débuts de création en 2016 et est très applaudi sur plusieurs scènes. Un mot sur ce monologue qui, après un réel succès récolté en Suisse, a fait l’ouverture du nouveau Centre Wallonie-Bruxelles  ?

Maguy Kalomba (M.K.) : Je perçois "Bongolatrices" comme une sorte de couronnement de carrière. J’avais toujours ressenti le besoin de m’exprimer, de dire des choses personnelles car lorsqu’on est appelé à jouer dans une pièce, ce sont les idées des autres que l’on dit. Et l’on exprime ce qui nous est recommandé de dire. Mais, avec "Bongolatrices", j’ai eu l’opportunité de m’exprimer personnellement. J’ai pris du temps, beaucoup de temps à trouver un texte qui me convenait. J’ai cherché et demandé à beaucoup d’amis à travers le monde de m’en trouver. En fin de compte, je me suis retrouvée avec beaucoup de monologues de femmes mais auxquels je ne m’identifiais pas après lecture. Puis, le Pr Yoka m’a sollicitée comme maîtresse de cérémonie à la présentation de son recueil de nouvelles "Bisondji bia bakaji". Etant donné que c’était pendant le mois de mars, il souhaitait que ce soit une femme qui le fasse. Il m’avait offert un exemplaire dont le texte me parlait. En pleine lecture, je me retrouvais moi-même mais aussi des personnages qui ressemblaient à des gens que je connaissais, des histoires qui m’étaient familières, nos histoires. J’ai pensé alors : « Pourquoi aller chercher ailleurs ce que nous avons à portée de main ? ». Je me suis rendu compte qu’ici se trouvent des auteurs qui écrivent très bien et racontent nos histoires. C’est ainsi que j’ai résolu de me lancer dans mon projet. Au départ, je voulais faire une folie, me mettre moi-même en scène. Mais après réflexion, j’ai jugé l’aventure trop risquée parce que le monologue est une œuvre très glissante et qu’il fallait se montrer très judicieux. J’en ai parlé à Iria Diaz, une amie metteuse en scène espagnole qui travaille en Suisse, elle a tout de suite adhéré à mon idée. C’était l’occasion de démontrer qu’entre femmes nous pouvons réaliser des choses. L’aventure a commencé depuis 2016 par des ateliers et lectures. C’est seulement en 2021 qu’elle est venue ici pour concrétiser le projet car l’année covid n’avait pas permis de travailler efficacement. Et lors de nos tournées en Suisse, en 2019, nous avions rencontré un des directeurs du théâtre Théâtricul qui, après échange, a promis de nous programmer. Nous avons cherché les fonds pour la création du projet à Genève. Avant cette étape suisse, il y a eu des préalables. Nous avons réalisé un atelier avec la metteuse en scène à Kinshasa entre novembre et décembre 2021. NouMaguy Kalomba dans le personnage du soulard dans Bongolatrices (DR)s devions sélectionner des textes du recueil susceptibles de plaire au public. Ce travail fait, il fallait effectuer la recherche des personnages, leur création et composition, ensuite il y avait l’univers musical du spectacle à créer. Arrivées à Genève, nous avons effectué la mise en scène, la création de la musique, des costumes, la scénographie. Résultat des courses, le spectacle a été très, très bien accueilli de sorte que le Grütli-Centre de production et de diffusion des arts vivants, l’ex-Théâtre Grütli, une grande institution artistique de Genève, nous a programmés pour cette année 2023. Nous sommes repris dans la programmation de la saison 2023-2024.

L.C.K. : Vous incarnez tous les personnages de l’univers de "Bongolatrices". Y en a-t-il un qui sert de fil conducteur  ? De tous, lequel vous fait le plus vibrer ?

M.K. : Il y a certes plusieurs personnages dans "Bongolatrices", mais nous en avons créé un autre comme fil conducteur. Ce personnage-là n’a rien à voir avec ceux de l’auteur. Il s’agit de moi en tant que comédienne kinoise, une femme qui se bat pour le théâtre congolais. Je joue donc mon propre rôle dans ce spectacle. Je fais le lien entre tous en passant d’un personnage à un autre. Mais de tous les huit que j’ai joué, c’est celui du soulard que j’aime beaucoup et le public l’avait beaucoup apprécié à Genève. Ici déjà même à Kinshasa, lors de la restitution organisée après l’atelier de création, il était très bien apprécié. La manière dont je l’ai incarné et son discours plaît énormément.

L.C.K. : Pourquoi ce succès, qu’ont-ils de si particulier ce soulard et son discours  ?

M.K. : Il est particulier parce que je suis une femme et je me mets dans la peau d’un homme et qui plus est soulard. Et, le discours est simple, celui d’un mécanicien qui passe son temps à picoler. Ivre, il l’est souvent, raconte un tas d’histoires. Un peu comme le bouffon du roi, il dit des vérités mais personne ne le prend au sérieux, tout le monde le prend pour un fou. Il raconte ses misères, parle des bourgeois qui dilapident leur argent à des futilités alors que la majorité de la population souffre.

 

Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1-Maguy Kalomba, comédienne, metteure en scène et assistante à l’INA /DR 2-Maguy Kalomba dans le personnage du soulard dans "Bongolatrices" /DR

Notification: 

Non