Interview. Yannick Gemaël Mboumba-Mboumba :"Pour mettre le terrorisme hors de l’Afrique, il faut conscientiser les jeunes"

Vendredi 17 Mars 2023 - 12:19

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Universitaire congolais à la plume féconde, Yannick Gemaël Mboumba-Mboumba a publié un livre intitulé "Penser le terrorisme aujourd'hui". Il en dévoile le fond du message et propose des solutions contre le terrorisme en Afrique, à travers cet entretien.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) :  Vous venez de publier un livre contre le terrorisme, quel est son titre et son message de fond?

Yannick Gemaël Mboumba-Mboumba (Y.G.M.M.) : « Le titre de notre livre est «Penser le terrorisme aujourd’hui », dont le message de fond est logé dans l’entre-deux du faire-croire à l’imminence de la mort et du faire peur. Or, le jeu terroriste est la gouvernance de la terreur. En un sens ontologique, cette gouvernance est une raison politique et elle s’impose comme l’exercice même de la raison. En conséquence, le terrorisme ou la politique en guise de terrorisme n’est pas une contingence, car il est structuré, ontologiquement, autour de l’être-chef : est terroriste celui qui confond son être avec celui de chef ; exister pour lui veut dire être chef, il s’identifie au maître et possesseur ontologique du pouvoir existentiel ».

L.D.B.C.: Doit-on parler de terrorisme ou des terrorismes ? Pouvez-vous succinctement en spécifier les particularités ?

Y.G.M.M. : Le terroriste est guidé par l’idée qu’il est au centre de l’Univers spatio-temporel, de sorte que l’histoire, entendue comme déploiement de la vie des humains en société, est annihilée. Dans la mesure où il n’y a plus d’histoire, il y a également dissolution de la notion fondamentale de limitation et de longueur du temps. Ainsi, le temps, condition de l’existence humaine, est ici renvoyé au territoire de l’indifférence, de sorte que plus aucun meurtre ne pèse sur la conscience ; il n’y a pas de place à la conscience morale et à la limite. Certes, tout terroriste s’attache à un temps qui légitimerait son attitude au présent, mais un tel passé condamne le présent à n’être qu’une continuation et un recommencement éternel. La conscience morale chez le terroriste se manifeste par l’obstruction de tous les sentiments altruistes en général, et du remord en particulier. Parce qu’il se pose comme maître de la vie

L.D.B.C.: Souvent, la communauté internationale qui semble combattre le terrorisme avec acharnement est accusée de jouer au pyromane, partagez-vous cet avis ?

Y.G.M.M. : À bien observer les sociétés contemporaines dans leur déploiement phénoménal, on s'aperçoit de la prédominance de la violence ; en ce sens qu'elles se laissent gouverner par les conflits. Au fait, dans ces sociétés, les acteurs sociaux (constituant la figure centrale des rapports sociaux) se trouvent parfois dessaisis de leur capacité à instruire, jusqu'à son terme, le procès de la société ; ou encore interviennent pour que ce procès ne puisse s'énoncer dans les termes où il était défini jusqu'alors. C'est dire que les violences relèvent du projet humain de vivre ensemble ou de l'ultime spasme d'un mouvement social qui a échoué.

L.D.B.C.: Quelles sont les solutions à mettre en exergue pour bouter le terrorisme hors de l'Afrique ? Et quels sont les atouts dont dispose l'Afrique pour lutter contre ce phénomène ?

Y.G.M.M. : Les solutions pour le terrorisme doivent tenir compte des réalités du moment, en effet, pour mettre le terrorisme hors de l’Afrique, il faut conscientiser les jeunes afin qu’ils laissent ladite pratique. L’Afrique dispose de plusieurs atouts, en premier le dialogue et l’équité sociale.

L.D.B.C.: Nelson Mandela proposait qu'on s'appuie sur l'éducation pour changer les mentalités, est-ce suffisant si la méchanceté demeure impunie?

Y.G.M.M.: Oui évidemment, la position de Mandela est louable et cela mérite d’être pris en compte. La prise de conscience est fondamentale dans la lutte contre ce phénomène. Or, dans du terrorisme, tout le monde a ses convictions, ses attentes et ses aspirations. Mais au-delà de l'être-là-immédiat de cet acte, de son immédiateté, quelque chose de fondamental se manifeste. C'est que le terrorisme, en tant que l'expression de la terreur censée durer et perdurer, peut se justifier par la recherche du bonheur du plus grand nombre et paraît pour ainsi dire comme un acte salvateur, ou mieux, de salut face à certains systèmes archaïques ou totalitaristes qui subordonnent les libertés individuelles et collectives. La violence advient lorsque l'État fait de la domination sa fin dernière, lorsqu'il tient le citoyen par la crainte.

Propos recueillis par Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Yannick Gemaël Mboumba-Mboumba

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