Matteo Renzi à Tunis : « les terroristes n’auront pas le dernier mot ! »

Mardi 31 Mars 2015 - 13:45

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La marche contre le terrorisme organisée à Tunis dimanche a compté aussi le Premier ministre italien, en pointe contre le terrorisme.

La foule des manifestants de dimanche dans la capitale tunisienne contre le terrorisme a compté aussi une délégation italienne de haut-niveau. Le Premier ministre Matteo Renzi et la présidente de l’Assemblée nationale, Mme Laura Boldrini ont défilé aux côtés du président tunisien Béji Caïd Essebsi et de leurs homologues Ali Bongo Ondimba (Gabon), François Hollande (France), Mahmoud Abbas (Palestine) et d’autres hauts dignitaires du monde. Tous ont marché pour dire ‘Non au terrorisme’.

L’attentat contre le musée tunisien du Bardo a provoqué le rassemblement d’une foule énorme de protestataires tunisiens arborant le drapeau de leur pays pour montrer leur détermination à combattre l’extrémisme. Le 18 mars dernier, deux terroristes ou plus se sont introduits dans le plus grand musée tunisien, tirant littéralement sur tout ce qui bougeait. C’était un mercredi, jour d’accostage des paquebots de croisière à Tunis, d’où le grand nombre de touristes étrangers au musée ce jour-là. Et le grand nombre de tués aussi, 22 tués en majorité des occidentaux, dont quatre Italiens.

« L’Italie se tient aux côtés de la Tunisie et ne laissera pas que son futur finisse dans les mains des extrémistes », a déclaré le Premier ministre Matteo Renzi. « Les terroristes n’auront pas le dernier mot. Nous continuerons à combattre afin que les idéaux de paix, de liberté, de coexistence et de fraternité s’affirment partout », a-t-il ajouté. A Rome, M. Renzi a engagé son gouvernement dans une action multidirectionnelle de lutte contre l’extrémisme et les djihadistes.

À partir de la Libye d’abord. L’Italie appuie vigoureusement les efforts de l’ONU afin d’amener les protagonistes de la crise politique qui éventre ce pays autour d’une table de négociation et la formation d’un gouvernement d’union.  Rome considère comme fondamental le règlement de la crise libyenne, qui joue un rôle déstabilisateur dans tout le pourtour méditerranéen. Elle soutient donc l’initiative de la communauté internationale. Mais Bernardino Leon, le représentant de l’ONU sur place, a du fil à retordre. Certains chefs de milice le contestent ouvertement.

« L’Italie doit jouer un rôle central dans les pourparlers de paix (libyens). Avec vous, tout serait plus facile, plus rapide et avec de plus grandes chances de succès ». Ces propos datent de samedi dernier, quand M. Leon croyait possible pour le lendemain la formation du gouvernement d’unité libyen. Ils émanent d’Omar Al-Hasi, le Premier ministre de l’un des deux gouvernements, basé à Tripoli mais non reconnu par la communauté internationale, alors que celui conduit par Abdullah Al Thani s’est réfugié dans la ville de Tobrouk.

« Bernadino Leon refuse de négocier et nous accuse d’islamisme. Pourtant nous continuons de payer les salaires de tous les Libyens, y compris de la zone de Tobrouk. Alors, qui est plus légitime ? » Voilà en quoi se résume le casse-tête libyen et à quoi réfléchit l’exécutif italien même si Rome « a la côte » auprès des chefs de milices libyens. La réalité pour les Italiens impose de ne pas regarder prospérer le terrorisme en voisins. Dans son propre pays, la semaine dernière, il a vu l’arrestation d’islamistes qui s’étaient manifestés sur Internet, pour appeler – en italien – au djihad en Syrie ou en Irak. « Rome la croisée » a été menacée d’attentats pour son volontarisme précisément sur le dossier libyen.

Les fondamentalistes de l’Etat islamique y contrôlent des pans entiers de territoire et menacent de lâcher des milliers de migrants sur les côtes italiennes avec des terroristes, les fameux « loups solitaires », infiltrés. « Leon se trompe du tout au tout; il refuse de discuter avec nous et cela ne résoudra rien. Un Italien serait plus motivé, parce que nos problèmes sont vos problèmes, à commencer par l’Etat islamique et l’immigration. Chez vous arrivent 10% de clandestins ; le reste, c’est nous qui l’accueillons, le renvoyons, le soignons. Cela nous coûte beaucoup », soutient M. Omar al-Hasi sans qu’on sache la part de flatterie et de manœuvre dans ces propos.

Pour M. Renzi la question du terrorisme doit mobiliser tout le monde dans le bassin méditerranéen. Il ne s’agit pas seulement de question d’immigration, a-t-il récemment soutenu, mais de stabilité de l’ensemble de la sous-région. Après son élection en février de l’an dernier,  M. Renzi s’était rendu en Tunisie pour y soutenir l’expérience démocratique de ce pays d’éclosion de ce qui fut appelé en décembre 2010 le « printemps arabe » et qui aboutit à la chute du régime du président Ben Ali. Huit mois plus tard, celui de Libye s’effondrait aussi avec la mort du colonel Kadhafi. Mais ici le printemps a fait germer des cactus ; pas du jasmin.

Lucien Mpama