Interview : Jean Baudouin Mayo Mambeke : « Il n’y aura pas d’accord, ni de faveur à accorder au M23 ».

Mercredi 13 Novembre 2013 - 18:15

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Député national et président de l’Interfédéral de l’Union pour la Nation (UNC) pour la ville de Kinshasa, Jean Baudouin Mayo décrypte l’actualité politique dans un entretien avec les Dépêches de Brazzaville en mettant une emphase particulière sur l’acte final devant sanctionner les pourparlers de Kampala.   

-Les Dépêches de Brazzaville : Le gouvernement et le M23 n’ont pas signé l’Accord de paix le lundi 11 novembre. Comment analysez-vous cet échec ?

-Jean-Baudouin Mayo : Pour nous, le fait que cet accord ne soit pas signé ne constitue pas en soi un échec parce que le peuple congolais dans son ensemble ne souscrit pas à cette démarche. Dès lors que les délégués du gouvernement présents à Kampala n’ont pas signé l’accord, cela ne peut pas être perçu comme un échec. C’est plutôt le contraire qui aurait été perçu comme tel.

-L.D.B : En tant que juriste, quel distinguo établissez-vous entre un accord et une déclaration ?

-J.B.M : Un accord est un document signé par au moins deux parties et qui comporte des engagements et des obligations à respecter par l’une et l’autre. Tandis qu’une déclaration, c’est une incantation, ou mieux, une annonce non assortie d’engagements. Là où le bât blesse, c’est lorsque le gouvernement déclare qu’il ne signe pas d’accord, mais plutôt une déclaration sans que le contenu ne soit fondamentalement modifié. Une déclaration doit rester comme telle et ne doit pas comporter des obligations. Si les rebelles du M23 sont réellement des Congolais comme ils le prétendent et qu’ils ont des prétentions, qu’ils se soumettent à l’exercice démocratique s’ils tiennent à participer dans la vie politique nationale. Et s’ils veulent devenir militaires, qu’ils suivent le cursus normal en adhérant à l’académie militaire comme l’ont fait le général Etumba et tant d’autres. Le peuple congolais n’est pas prêt à avaliser des schémas qui accordent une prime à la guerre en cautionnant les crimes perpétrés par les ex rebelles candidats à la réintégration. Ce schéma-là, il n’en veut pas. Je sais cette occasion pour féliciter les FARDC pour leur victoire sur le M23.  

-L.D.B : Pensez-vous qu’à travers une simple déclaration, on pourra répondre aux désidératas du M23 ?  

-J.B.M : On n’a pas à répondre aux désidératas des rebelles du M23. C’est depuis longtemps qu’on a dit à ces messieurs de venir à la table de négociations, mais ils ont fait la sourde oreille en continuant à tuer et à piller. Maintenant qu’ils sont défaits, on ne doit rien leur concéder. Pourquoi voulez-vous qu’ils aient plus de droits que le reste des Congolais ? Ce qu’on doit faire, c’est de les traduire devant la justice nationale et internationale pour avoir tué, pillé et vidé les dispositions du droit international humanitaire.

-L.D.B : En n’acquiesçant pas à leurs requêtes, ne pensez-vous pas créer les conditions pour l’émergence d’une nouvelle rébellion, les mêmes causes produisant les mêmes effets ?

-J.B.M : Imaginez-vous que toutes les communautés qui composent la RDC choisissent la guerre comme mode d’expression ou de revendications politiques, que va-t-il encore rester de ce pays ? Les rebelles du M23 ont été vaincus. Et personne n’interdit au M23 de venir présenter ses prétentions. Les concertations qui ont eu lieu étaient une bonne chose même si, de notre point de vue, elles n’étaient pas conformes à la résolution 2098 du Conseil de sécurité de l’Onu.  Nous pensons que c’est là le cadre pour ces frères du M23 de venir poser leurs problèmes, de présenter leurs revendications plutôt que de recourir aux armes.

--L.D.B : Comment se présente la suite du processus ?

-J.B.M : Maintenant que le Rwanda et l’Ouganda et leur marionnette du M23 ont été défaits, je crois que nous devons continuer à maintenir l’élan de soutien à nos FARDC en poursuivant en même temps la formation des brigades. C’est ici aussi l’occasion de remercier la Brigade spéciale de la Monusco qui a fait son travail. Nous sommes toutefois étonnés de voir la communauté internationale chercher à nous imposer à tout prix un Accord avec le M23. Nous ne comprenons pas cette obstination, car le M23 n’est pas le seul groupe armé actif dans la région. Il y a aussi les FDLR rwandais, les ADF-Nalu, les FNL burundais etc. Pourquoi s’acharne-t-on seulement sur les rebelles congolais du reste vaincus par les FARDC ?  

-L.D.B : L’Etat congolais ne peut-il pas dire non à cette forme de diktat de la communauté internationale et mettre définitivement une croix sur Kampala ?                 

-L.D.B : C’est ce qu’il vient de faire. Je suis convaincu que la RDC ne signera pas cet accord. Il n’y aura donc pas d’accord, ni de faveur à accorder au M23. Nous, nous voulons plutôt voir les termes de la déclaration que le gouvernement s’apprête à signer, laquelle ne doit pas comporter des engagements à prendre vis-à-vis des rebelles du M23. Que ceux qui ne seront pas rattrapés par la justice aient la possibilité de venir faire la politique comme nous le faisons dans la non violence en faisant prévaloir des arguments. Et du choc des idées pourra jaillir la lumière dont le pays a besoin pour avancer.    

-L.D.B : Un dernier mot

-J.B.M : Cette fois-ci, le gouvernement a écouté la population en restant campée sur sa position. Mais je rappelle que c’est depuis 2009 que nous, à l’UNC, avons dit que le Rwanda n’était pas un allié viable. Mais le gouvernement ne nous avait pas écoutés. Maintenant il vient de nous rejoindre. 

Propos recueillis par Alain Diasso

 

 

 

 

        

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Jean Baudouin Mayo Mambeke