Charles Bouetoum-Kiyindou : « la révolution cubaine avec Fidel Castro, a permis le rapprochement entre artistes-musiciens cubains et congolais »

Mardi 29 Novembre 2016 - 19:30

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Communion entre Congolais et Cubains dont l’un des traits d’union demeure la musique connue sous le vocable de salsa. A la suite du décès de Fidel Castro les Dépêches de Brazzaville ouvrent leurs colonnes à Charles Bouetoum-Kiyindou, historien-journaliste, président du groupe Salsa Idéal.

Charles Bouetoum-KiyindouLes Dépêches de Brazzaville (LDB) : Les esclaves partis des côtes du Kongo du fait de la traite négrière ont apporté avec eux leurs us et coutumes à Cuba. Une proximité musicale avec le Congo est toujours perceptible entre les deux pays. Considérez-vous « El Comandante » Fidel Castro comme celui qui a consolidé cette proximité ?

Charles Bouetom-Kiyindou (CBK) : Il est vrai que la musique afro-cubaine tire indiscutablement une grande partie de ses racines de la culture Bantu au Royaume Kongo et ses environs, auxquelles il faut adjoindre les origines yoruba. Les Congolais se sont reconnus dans ces rythmes dès le milieu du 20ème siècle. Les pionniers de la musique congolaise moderne s’en sont réappropriés pour enfanter la rumba congolaise. Les « Trovas » et les « Grandes Vocales » du Trio Matamoros- Sexteto -Habanero ont servi de stimulant de base d’inspiration. La révolution cubaine avec Fidel Castro, a permis le rapprochement réel, physique entre artistes-musiciens cubains et congolais. Grâce au président Fidel Castro, des ensembles musicaux cubains ont foulé le sol congolais : Maravillas de Cuba, Sensacion ou l’emblématique orchestra Aragon qui est venu à plusieurs reprises au Congo. A l’inverse, l’orchestre Bantous de la Capitale s’est rendu à Cuba en 1974 et 1978 faisant valoir son statut depuis sa création de connaisseur « Ritmo de Oro ».

LDB : A propos de l’orchestre Bantous, a-t-il été inspiré par les rythmes afro-cubains pour constituer son répertoire international ?

CBK : La rumba congolaise s’est nourrie de la musique venue de Cuba. De surcroît, Jean Serge Essous et Nino Malapet se sont distingués bien avant la création des Bantous. Ils avaient déjà des compositions basées sur les rythmes afro-cubains. L’orchestre Bantous de la Capitale, hormis l’African Jazz de Kallé, a forgé son identité et sa renommée grâce à la maîtrise du genre musical que l’on nomme aujourd’hui salsa. Beaucoup d’artistes en Afrique, que ce soit au Bénin, Sénégal ou en Guinée, avaient dans les années 60-70, pris comme leurs modèles, les Bantous qu’ils considéraient comme les maîtres du genre, loin de l’épicentre cubain. Grâce à  son talent , José Missamou doit sa réputation dans l’interprétation des morceaux de salsa. A tel point que lors de la tournée des Bantous à Cuba en 1978, il a été comparé à Beny More, l’icône de la musique cubaine.

LDB : Dans le même ordre d’idées, Aragon a repris un titre composé par le Congolais Franklin Boukaka. D’autres groupes cubains ont sans doute continué dans cette lancée. Comment expliquez-vous ce besoin d’aller-retour musical ?

CB K: Les artistes-musiciens cubains ne cessent de revendiquer leur appartenance culturelle « Kongo » ou « Carabali » en clair yorouba à travers de nombreuses chansons truffées de mots des contrées de leur oroigine. En même temps, ils réadaptent de plus en plus des œuvres composées par leurs « frères » du Congo et d’ailleurs. « Mouanga » de Franklin Boukaka a été reprise par Aragon et Tipica Idéal. Pendant que l’orchestre Tropicana a consacré tout un album sur  la reprise des œuvres de l’African Jazz. Les artistes africains ne sont pas en reste. Ils effectuent le voyage jusqu’à Cuba pour mieux travailler leurs œuvres avec les Cubains sur place. Cet aller-retour musical ne s’explique pas ; il se constate tout simplement parce qu’il est naturel, génétique. Les siècles de séparation n’ont pas pu modifier fondamentalement l’ADN artistique entre ces peuples identiques, à tout le moins.

LDB : Cet ADN artistique était aussi plus ou moins la volonté de « El comandante » qui a rejoint le « Che ». Leur disparition annonce-t-elle la fin prochaine des « Ritmos de Cuba » au Congo ?

CBK : Fidel Castro a imprimé au peuple cubain une manière de penser, d’être et de faire. Son héritage ne sera pas dilapidé de si tôt. La musique de Cuba fait montre d’une vitalité incroyable et les Congolais s’en inspirent toujours. Pour Ernesto Guevara « El Che » a séjourné au Congo d’en face. Il a vécu sur la rive droite du fleuve Congo pour y créer un foyer révolutionnaire avant d’être assassiné en 1967 en Bolivie. Jusqu’à ce jour, son combat reste d’actualité et le restera pour  nos peuples épris de paix. A tous les deux, une réelle reconnaissance pour « Que viva la musica hasta siempre !». Les rythmes de Cuba rayonnent partout dans le monde ; on ne peut imaginer qu’ils s’éteignent demain.

Propos recueillis par Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo : Charles Bouetoum-Kiyindou Crédit photo : Joseph Badevokila

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