Danse l’Afrique danse : la danse contemporaine au cœur des mutations

Samedi 3 Décembre 2016 - 19:53

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Ouagadougou, la capitale burkinabé, a accueilli du 26 novembre au 3 décembre la dixième édition de la triennale « Danse l’Afrique danse ». Une édition anniversaire placée sous le signe de la « mémoire et de la transmission », thème choisi pour cet évènement majeur qui marque son retour en Afrique de l’Ouest, six ans après Bamako.

Aujourd’hui, « Danse l’Afrique danse » est en Afrique « La messe » de la danse. Le rendez-vous incontournable, le lieu de la consécration des danseurs et chorégraphes du continent. Cette réputation, le festival la doit à une histoire construite de fil en aiguille grâce à l’engagement des chorégraphes Salia Sanou et Seydou Boro d’une part et d’autre part de l’Afaa, devenu Institut français de Paris, à travers les rencontres chorégraphiques de l’Afrique et de l’Océan indien dès 1994 à Luanda. Dès lors, tous les deux ans, au cours de cette manifestation, une compagnie remportait un prix incluant une aide à la création d’un montant de 5000 euros et une tournée dans les établissements culturels français en Afrique et ailleurs. 

À cette époque, on a vu naître ici et là des dizaines de compagnies de danses dites contemporaines. Les artistes danseurs étaient de plus en plus nombreux. On assistait à une véritable effervescence dans le secteur sans une véritable structuration. « Certaines compagnies se constituaient pour le concours. Dès qu’elles gagnaient un prix, elles se divisaient », a expliqué le chorégraphe burkinabé Salia Sanou, directeur artistique de la triennale. Puis d’ajouter : « Nombre d’artistes appartenant à une même compagnie, après avoir été propulsés et connu le succès, ont fini par ne plus s’entendre. »

Pendant les dix premières années de l’existence des Rencontres chorégraphiques d’Afrique et de l’océan indien, les mots « danse contemporaine africaine » étaient sur toutes les lèvres. Un effet de mode presque dans le milieu culturel continental. Mais personne n’y comprenait grand-chose. Les danseurs engagés dans de nombreuses démarches artistiques expérimentales s’y engageaient trop souvent sans en connaître véritablement les contours et les enjeux. Au Congo, quelques voix s’élevèrent pour critiquer la discipline voyant en elle une forme de « néocolonialisme » à la française.

En effet, très peu d’artistes avaient un discours et un point de vue esthétique aboutis pour défendre l’identité artistique de leur art. Peu y mettaient de la réflexion, interrogeaient leur démarche. En cause, au-delà de la formation, « l’absence de projets solides pouvant leur permettre une véritable structuration », a souligné Salia Sanou. Car si le concours organisé lors des rencontres avait permis d’impulser une dynamique dans le secteur, il a aussi favorisé le formatage d'un grand nombre de danseurs et chorégraphes à travers le continent. Les corps en mouvement se codifiaient et les mêmes propositions revenaient.

Quand la révolution s’opère

L’arrêt du concours et sa mutation vers un format en trois étapes, constitué de dialogues avec les artistes et les opérateurs culturels africains de résidences et de plates-formes régionales dont le point d’orgue cette année a été l’édition de la Triennale « Danse l’Afrique danse » à Ouagadougou, constituent une évolution à fort impact positif dans la structuration des carrières des artistes chorégraphes et danseurs.

Ainsi, la programmation de cette édition de la triennale s’est fait, selon Salia Sanou, « en respectant un processus de sélection dans les différentes plates-formes organisées en Tunisie, au Sénégal, au Cameroun et au Mozambique. À chaque lieu, soit Seydou, Irène ou moi allions pour sélectionner les pièces qui nous touchent, parlent ou sont portées par des chorégraphes qui ont du talent et de l’avenir. »

En effet, une nouvelle génération voit le jour avec un fort désir d’apprendre, loin de toute compétition. C’est le cas de Jeannot Kumbonyeki. L’artiste originaire de Kisangani (RDC) a présenté dans la soirée du 26 novembre à l’Institut français de Ouagadougou son premier solo, «le Kombi», fruit d’une résidence « Danse l’Afrique danse ». Dans son spectacle Jeannot, désormais installé à Kinshasa, questionne la problématique du transport en commun dans la ville tentaculaire et tente de «faire un parallèle entre les réalités de la RDC au quotidien et le Kombi, ce moyen de transport collectif, inconfortable du Kinois où il passe de longues heures, chaque matin et chaque soir, serré, coincé courbaturé et en sueur». Cette révolution augure un bel avenir à la danse contemporaine africaine. 

Hélas, les artistes exerçant dans ce domaine souffrent d’une grande dépendance financière des instituts français ou d’autres structures culturelles occidentales.

Les ministères de la Culture et des Arts de leur pays sont aux abonnés absents quant au financement de la danse contemporaine. Une question se pose : comprennent-ils leur propre esthétique ?

 

 

Meryll Mezath

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Kombibissé d'Irène Tassembédo (Burkina Faso)/Crédits photo: Antoine Tempé Photo 2: Kombi de Jeannot Kumbonyeki (RDC) Photo3: Affiche de la Triennale Danse l'Afrique Danse

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