Interview. Olivier Barlet : « J’ai trouvé super que des cinéastes aient envie de critique »

Jeudi 26 Décembre 2013 - 16:44

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Olivier Barlet, journaliste, expert en critique du cinéma africain, directeur de publications Africultures et Afriscope a animé, du 16 au 20 décembre à la Halle de la Gombe, un atelier de critique cinéma organisé par Bimpa production de concert avec le Bureau audiovisuel de l’ambassade de France et Anankoy Pictures, à destination de quinze journalistes, il nous en fait le point dans cet entretien exclusif aux Dépêches de Brazzaville.

Les Dépêches de Brazzaville : Connu dans le milieu des cinéastes africains, pourriez-vous vous présenter aux cinéphiles congolais  ?

Olivier Barlet. : Je suis Olivier Barlet, critique de cinéma. Je suis un passionné des cinémas d’Afrique depuis 20-25 ans sur lesquels j’ai écrit plusieurs livres et articles sur articles, à longueur de temps. Des critiques, des interviews, des reportages sur des festivals, des analyses. En dehors de cela, je m’occupe de la structure Africultures, un site d’informations sur les expressions culturelles africaines contemporaines également une revue, et puis d’un autre magazine appelé Afriscope.

LDB : Quel était l’intérêt de votre séjour à Kinshasa ?

OB : Il m’a été demandé d’animer un atelier sur la critique cinématographique à Kinshasa. J’étais tout de suite intéressé car l’on pas assez d’échos de RDC. J’avais donc bien envie de voir sur place ce qui s’y passe. Et puis, la démarche m’a touché car l’atelier a été organisé à la demande des cinéastes. J’ai trouvé super que des cinéastes aient envie de critique, de cet accompagnement médiatique mais aussi d’un éclairage sur leurs films. Leur donner de l’ampleur. L’on sait à quel point la critique est importante pour les cinéastes.

LDB : En quoi avait consisté l’atelier de critique cinéma ?

OB : Il consistait en un certain nombre d’apports théoriques sur l’histoire du cinéma, vocabulaires et histoire des cinéma d’Afrique. Mais aussi et surtout des exercices pratiques comme le visionnage de films d’Afrique, hollywoodiens qui déboulent sur le marché qui sont de très bonne qualité. À l’aide d’un paper-board, nous discutions des stratégies narratives et esthétiques développées par les réalisateurs de façon à pousser plus loin les analyses et voir comment ensuite éclairer les films. Avoir une voie personnelle, chacun la sienne mais qui accompagne le film vu dans une réflexion. Il nous est arrivé de voir des extraits de films hollywoodiens en comparaison avec des films africains traitant du même sujet et de voir à quel point il y a une réduction de l’image de l’Africain dans certains films. Mais cela peut s’observer aussi dans un film africain. Donc, cela appelle de la vigilance, un travail de réflexion, ce qui est justement un travail critique par rapport aux images qui se développent sur l’Africain et l’Afrique. Un type de vigilance qui s’impose surtout à des films hollywoodiens tellement bien faits, qui sont des thrillers et qui emportent le public mais qui mine de rien rentrent à l’intérieur des têtes des dévalorisations, des réductions hiérarchiques entre les peuples et en l’occurrence entre les races. C’est un vocabulaire racial.

 

 

 

 

 

 

LDB : Une formation d’à peine cinq jours, était-ce suffisant pour se lancer dans la critique ?

OB : C’est jamais suffisant parce que c’est de la formation permanente. Un critique de cinéma se cultive en permanence, une personne qui s’abreuve de tout, livres, films, tout ce qui a trait aux spectacles et à l’art. Il développe sa culture pour pouvoir parler de culture. C’est une démarche sans fin. Il n’y a pas d’école de critique d’art mais seulement une démarche personnelle d’intérêt, de passion pour les arts.

LDB : Y avait-il une place accordée aux productions de RDC malgré que l’on y rencontre pas l’abondance observée au Burkina-Faso, par exemple ?

OB : Une partie de l’atelier leur a été consacrée vu qu’il était destiné à des journalistes qui devront s’adresser à leur public proche et leur parler de films qu’ils auront l’occasion de voir. Nous avons vu évidemment les films d’Afrique, ceux de RDC en particulier car c’est important d’accompagner ces jeunes réalisateurs qui émergent et tentent de faire du cinéma dans un contexte difficile. Leur donner la chance d’avoir une visibilité, informer les gens qu’ils existent, leur donner l’envie de voir leurs films.

LDB : Comment entretenir la flamme des critiques en herbe après l’atelier, avez-vous pensé à une sorte de coaching ?La photo de famille au terme de l’atelier(Photo Bimpa Production)

OB : Nous allons rester en contact et je crois que le coaching reste dans la démarche collective. L’on a travaillé en synergie sur les films, si ce travail pouvait continuer ne serait-ce que par mail par le petit groupe de journalistes en liaison avec la fédération africaine de la critique qui fait aussi ce travail à plus grande échelle, je pense qu' il y aura une certaine émulation. Mais il est aussi important de publier dans son propre média et ensuite sur le site africiné.org qui est celui de la Fédération africaine de la critique. Cela donnera une dimension internationale au travail réalisé par les critiques. Il y a également une perspective de travail en réponse à la demande extérieure car il y a des besoins d’articles, d’animations, de connaissances. Travailler sur la RDC car il n’y a pas de publications actuelles sur le cinéma, son histoire locale et la mémoire cinématographique du pays. Il y a plein de possibilités. L’essentiel c’est de continuer la démarche collective pour avoir cette émulation sinon quand chacun reste de nouveau dans son quotidien isolé, l’on risque de vite retomber dans le sable.

Propos recueillis par Nioni Masela

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Une vue générale de l’ambiance de travail de l’atelier (Photo Bimpa Production) Photo 2 : Olivier Barlet recueillant les propositions sur les stratégies narratives et esthétiques pendant l’atelier de critique cinéma (Photo Bimpa Production) Photo 3 : La photo de famille au terme de l’atelier(Photo Bimpa Production)