Affaire Hissène Habré : l’État tchadien s’est constitué partie civile

Mercredi 26 Février 2014 - 12:54

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Le pool des avocats du Tchad a annoncé que la lettre de constitution de partie civile avait été déposée le 25 février aux greffes des Chambres africaines extraordinaires, le tribunal spécial créé en vue de juger l’ancien président tchadien Hissène Habré et basé dans la capitale sénégalaise

En déposant cette lettre de constitution de partie civile, l’État tchadien entend ouvrir un volet économique dans l’affaire, estimant que Hissène Habré, qui a dirigé le pays de 1982 à 1990, a causé un préjudice financier au pays, ont expliqué le ministre tchadien de la Justice, Béchir Madet, et Me Philippe Houssine, coordonnateur du pool d’avocats du Tchad devant la presse après le dépôt de la lettre. Plus de mille personnes, se considérant comme victimes directes et indirectes de son régime, se sont constituées parties civiles en juillet 2013 dans son procès.

Inculpé de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et tortures commis au cours de ses huit ans au pouvoir, Hissène Habré est actuellement incarcéré à Dakar où il s’est réfugié après avoir été renversé en 1990 par l’actuel président Idriss Deby Itno.

Pour le ministre tchadien de la Justice, dans l’état actuel des choses, son pays est effectivement « la victime parfaite des agissements de Hissène Habré » puisque « dans sa fuite [...], il n’a pas oublié d’emporter (de l’argent), de vider les caisses de l’État. »

« En entrant dans la procédure, nous, République du Tchad, nous voulons aider les Chambres africaines à faire un procès qui permettra d’abord à beaucoup de familles de faire leur deuil, ensuite de pouvoir indemniser les survivants ou leurs ayants droit et au peuple tchadien de se réconcilier », a-t-il précisé.

Selon certains avocats, les personnes physiques qui ont déjà engagé cette même démarche dans la procédure n’ont pas compétence à se constituer partie civile sur l’aspect économique : seul l’État tchadien qui a subi des préjudices économiques est habilité à le faire.

La démarche des autorités tchadiennes a suscité des réactions de la part du collectif des avocats des victimes du régime d’Hissène Habré. Dans un communiqué rendu public le même jour, le collectif a estimé que la démarche de l’État tchadien n’avait pas de base juridique et que son entrée dans la procédure devrait être déclarée irrecevable. « Se constituer partie civile devant les Chambres africaines extraordinaires n’est pas le rôle de l’État tchadien », affirme-t-il dans le texte signé par Me Jacqueline Moudeina, du barreau de N’Djamena, et Me Assane Dioma Ndiaye, du barreau de Dakar.

Le collectif exhorte N’Djamena à plutôt « renforcer sa collaboration avec les Chambres africaines extraordinaires en assurant la sécurité des témoins, des magistrats et des avocats des victimes et de la défense », et à transférer à Dakar trois personnes poursuivies dans le cadre de cette même affaire, qui résident actuellement sur le sol tchadien.

Afin de juger l’ancien président tchadien, le Sénégal et l’Union africaine (UA) ont signé, en décembre 2012, un accord pour la création au Sénégal d’un tribunal spécial. L’année dernière, le Tchad et le Sénégal ont signé un accord devant permettre aux juges du tribunal spécial chargés de son procès de mener des enquêtes au Tchad.

Hissène Habré a été arrêté le 30 juin 2013 à Dakar, puis inculpé le 2 juillet 2013 par le tribunal spécial et placé en détention préventive.

Nestor N'Gampoula