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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : 60 ans de République

Vendredi 30 Novembre 2018 - 11:05

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Le Congo a célébré, le 28 novembre, les 60 ans de la naissance de la République. 60 ans de vie tumultueuse pendant lesquels la politique politicienne a pris le pas sur les préoccupations de développement. Au final, une République mutilée par les divisions et la lutte pour le pouvoir, incapable de faire face aux défis du développement. Dire que rien n’a été fait c’est sombrer dans la mauvaise foi et un nihilisme destructeur. Incontestablement, le pays physique a changé de face mais à quel prix ? En dépit de ses immenses potentialités, il reste encore tant de choses à réaliser pour en faire une « petite Suisse ».

Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut se satisfaire d’un résultat sujet à caution d’autant que le pays a eu des ressources financières hors du commun, c’est-à-dire extraordinaire. Les ressources humaines ont souvent fait défaut. Elles portent les stigmates de la guerre et de la permissivité consubstantielle. Les hommes promus aux postes de responsabilité n’ont pas été à la hauteur des tâches confiées et ont vite sombré dans la cavalerie financière. Récemment, la Commission anti corruption a rendu des rapports affligeants qui confirment l’intuition générale.

La liberté d’expression, legs de la Conférence nationale, est le secteur qui a fait le plus de progrès au cours des 60 ans de la République. La tentation de la censure demeure mais elle est contrariée par l’élan irrépressible de liberté.

Les routes restent, par la volonté du président de la République, ces dernières années, la grande réussite des 60 ans de la République. Même là, l’incurie a fait son œuvre. Des venelles, au lieu de vraies routes faites « dans les règles de l’art ». Néanmoins, le Congolais peut désormais sillonner son pays sans difficulté. Nos villages, moyenâgeux, il y a, à peine une dizaine d’années, sont entrés dans la modernité, à la faveur de la municipalisation accélérée, même si leur uniformité architecturale dénote une absence d’imagination.

La santé. « La colonisation qui manquait de ressources elle aussi, a pourtant laissé dans ce domaine un souvenir de réussite et de rigueur toujours vivace parmi la population. Non seulement des soins efficaces et gratuits, ou peu coûteux, étaient prodigués aux plus démunis dans des dispensaires et des hôpitaux pourvus de médicaments et d’un encadrement qualifié, mais la prévention était institutionnalisée ». À l’ancien hôpital général, actuel CHU, existait un service réservé aux indigents, survivance de l’époque coloniale. Autres temps, autres mœurs. Nombreux sont ceux qui regrettent, aujourd’hui, ces années-là.

L’école primaire et secondaire. Elle connaît de multiples déficits : enseignants, salles de classe, tables-bancs, un comble dans un pays qui regorge de bois, qu’il exporte à tour de bras. Situation endémique depuis le milieu des années 1960. Dans la période qui a suivi la Conférence nationale souveraine et jusqu’à présent, l’université est secouée de multiples convulsions. On frôle régulièrement les « années blanches ». En outre, les années universitaires connaîssent des variations épileptiques déstabilisantes. De ce fait, nos étudiants trouvent de plus en plus refuge dans les autres pays africains pour éviter les balbutiements des années titubantes. Pour les parents, dont les revenus sont sérieusement écornés par la crise, c’est le supplice de Tantale.

L’agriculture. Besogneuse. À quoi auront servi les fonds alloués au développement de ce secteur ? Le Congo reste tributaire de l’étranger pour son approvisionnement. Dans les grands centres de consommation, le prix du manioc n’a pas baissé, contrairement aux fanfaronnades de certains ministres sans-gêne, auto complaisants et visiblement satisfaits de leur échec. « On fait mal, on promet ; on fait mal, on promet », disait, non sans raison, un député, lors de la séance des questions orales du 22 novembre dernier. Dans ce pays, le ridicule ne tue pas.

Ces trois secteurs vitaux résument l’échec des différents gouvernements qui se sont succédé au Congo. Les hommes n’ont pas été performants. Peu après la naissance de la République, Fulbert Youlou, Premier ministre, forme le premier gouvernement de la République du Congo. Il compte dix ministres et cinq secrétaires d’Etat : Albert Fourvelle et Valentin Thombe (ministres d’Etat) ; Joseph Vial (ministre des Finances), Emmanuel Dadet (ministre des Travaux publics), Prosper Gandzion (ministre de l’Enseignement), Zéphirin Moe Pouaty (ministre de la Santé publique), Dominique Sombo-Dibélé (ministre du Travail), André Kerhervé (ministre de la Production industrielle), Innocent Odicky (ministre des Affaires coutumières) ; Hilaire Mavioka (secrétaire d’Etat à l’Enseignement), Victor Sathoud (secrétaire d’Etat à la Fonction publique), Valentin Moubouh (Secrétaire d’Etat aux Finances), Jean Biyoudi (secrétaire d’Etat aux Sports), Germain Samba (secrétaire d’Etat à la Santé publique). Depuis cette époque, les gouvernements ont connu de nombreuses valses aussi bien dans leurs profils et que dans leurs dénominations mais aussi dans leurs effectifs. En outre, ils ont connu un important turn over : trois cent cinquante-huit ministres, environ, depuis 60 ans. En 2018, le gouvernement de la République, hormis le Premier ministre Clément Mouamba, comprend trente-cinq membres dont les deux plus anciens ont fait leur première entrée dans un gouvernement, en 1980, pour l’un, et 1992, pour l’autre. Une éternité, en somme, et sans résultats patents. Les plus récents y sont depuis un an et demi à peine. Globalement, les résultats sont mauvais. Une redistribution des rôles s’impose. Les véritables héros ne sont pas toujours ceux ce que l’ont croit.

 

Mfumu

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