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Les amis de la Libye se défilentLundi 4 Août 2014 - 10:39 À tour de rôle, plusieurs pays occidentaux prient leurs ressortissants résidant en Libye de rentrer à la maison. Trop dangereux, en effet, pour les citoyens américains, français, allemands, italiens, belges, portugais, etc. de continuer à vivre dans un pays sur le point d’être démembré et dans lequel les milices de tous bords font la loi. Avant eux, les organismes du système des Nations unies avaient donné l’alerte en évacuant leur personnel non-essentiel. C’est un aveu d’échec de la part de tous, notamment de ces « amis » de la Libye qui, il y a juste trois ans, tablaient sur le départ coûte que coûte du « guide », Mouammar Kadhafi, pour y installer un régime démocratique à l’occidentale. Non seulement le projet d’un nouvel État libyen démocratique peine à se réaliser, mais le risque est désormais grand de voir ce pays, devenu menaçant pour ses voisins, plongé pour longtemps dans une totale déliquescence. À l’image de la Somalie, en peine depuis près d’un quart de siècle, la Libye vit peut-être la fin de tout espoir de demeurer un territoire uni dans ses frontières historiques. Le fait aggravant est que les incitateurs de la révolution qui a renversé Kadhafi ne sont plus de cœur à assumer leur devoir d’aider les nouvelles institutions libyennes à se consolider et à se pérenniser. Ils ferment ambassades, consulats et centres culturels en grande vitesse. Nul ne sait si les Libyens qui continuent de se détruire par les armes le comprendront de sitôt : le sale boulot qui consistait à débarrasser leur pays d’un dictateur honni, leurs amis l’ont fait pendant huit longs mois qui aboutirent, le 20 octobre 2011, à la capture puis à la mise à mort de ce dernier. Ce fut, bien entendu, à la demande des Libyens eux-mêmes, lorsque l’on pense à la part qu’ils prirent dans des affrontements attisés, tout bien considéré, au nom de la liberté. Cette liberté acquise, ne sachant pas en jouir, les Libyens devraient simplement retenir que les bienfaiteurs ne sont pas toujours des gens qui n’ont rien à faire dans leurs propres pays. Ils viennent d’en donner la preuve par la désertion. À moins d’un sursaut national que rien n’autorise aujourd’hui au regard de l’ampleur des divisions, l’ancienne Jamahiriya arabe libyenne socialiste que Mouammar Kadhafi concevait de son vivant comme « une agora », dans laquelle il n’y a pas de chef (lui-même restait omniprésent), se consumera lentement et sûrement pour se transformer dans les mois et les années à venir en une terre du chaos, dirigée par plusieurs chefs de clans. L’histoire se répétant souvent, il faudrait alors dans ce cheminement imaginer l’arrivée aux commandes de l’actuel État fantôme libyen d’un homme fort, capable d’imposer l’ordre et la loi et de faire infléchir les milices irréductibles. Cet homme-là pourrait ressembler peu ou prou à Kadhafi, qui réussit, pendant quarante deux ans, à contenir les velléités destructrices de la nation libyenne fondées sur la seule croyance religieuse. Sauf si, dans un engagement de dernière minute, ce qui n’est guère certain, les « amis » de la Libye se décident à faire marche arrière et mettent à la disposition de ce pays toutes les expertises capables d’assurer le service après vente qu’ils sont en droit d’organiser après le langage des frappes aériennes meurtrières qu’ils expérimentèrent il y a de cela trois ans. Ces frappes leur permirent de tester leur matériel de guerre sophistiqué, il leur faudra les remplacer par le langage des idées, par la mise en place d’une armée libyenne républicaine, par l’appui à l’instauration d’un régime démocratique qu’ils avaient promis, par l’ancrage de la Libye dans le cénacle des nations viables. Parce qu’on ne fuit pas d’assumer son rôle à ce niveau des responsabilités.
Gankama N’Siah Edition:Édition Quotidienne (DB) |