Opinion
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A propos du panafricanismeSamedi 10 Mai 2025 - 18:12 La lutte pour l'émancipation de l'Afrique date-t-elle d'aujourd'hui ? L'affirmer serait à la fois injuste et prétentieux. Quand bien même, ces dernières années, des voix de plus en plus jeunes livrent leur opinion sur la nécessité d'abattre les vestiges du néocolonialisme, il importe de ne pas perdre de vue une réalité frappante : pendant la traite négrière et la colonisation, pendant les indépendances et dans les années qui suivirent, beaucoup d’hommes et de femmes portés à défendre la souveraineté de l'Afrique ont payé de leurs vies leur engagement pour l'intérêt général. On devrait aussi se rappeler les pays qui plus que d’autres, en fonction des circonstances, se sont distingués de diverses manières dans le combat pour la libération du continent. Sans fausse modestie, la République du Congo figure au premier rang de ces nations. A-t-on oublié que de Brazzaville, pourtant ancienne capitale de l'Afrique équatoriale française, ancienne capitale de la France libre, sont parties les mobilisations les plus remarquables en faveur des mouvements de libération ? En 1964 déjà, Brazzaville reconnaissait la République populaire de Chine et conclut avec Beijing des accords de coopération prenant le contrepied de certaines puissances de l'époque qui tergiversaient à faire un premier pas dans cette direction. De par le monde, tous les mouvements en lutte contre le colonialisme ont bénéficié du soutien appuyé du Congo, en particulier après la chute du premier régime à l'issue de ce que l’on appela la « Révolution des 13, 14, 15 août 1963 ». Dans le cadre de l’internationalisme prolétarien et de la dynamique des pays « non-alignés », le Congo a soutenu de nombreux mouvements souverainistes en Asie, en Amérique latine, au Proche et Moyen-Orient : Vietnam, Laos, Nicaragua, Palestine... Plus proche de chez nous en Afrique, l'Angola, la Namibie, le Zimbabwe, l'Afrique du Sud, le Mozambique, pour ne citer que ces pays de la « ligne du front » anti-apartheid, qui ne peuvent méconnaître la part prise par Brazzaville pour les arracher des griffes de l'oppression. On peut allonger cette liste en citant le Tchad, la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo, la Libye. Entre soutien militaire et bons offices, la voix du Congo a toujours résonné haut pour la cause africaine. Se souvient-on, on l’espère encore, du Fonds Africa lancé à l’initiative du Congo comme contribution à la lutte contre le régime raciste d’Afrique du Sud ; de la libération de Nelson Mandela à la suite de l’indépendance de la Namibie ; de la convocation du premier congrès des hommes de sciences à Brazzaville en 1987 ? Ceci pour prier que les chantres du panafricanisme de la nouvelle génération ne vouent aux gémonies les « anciens » qui les ont précédés dans cette lutte commune. Il y a quelques semaines, le militant panafricaniste Kemi Séba venu à Brazzaville donner une conférence sur le franc CFA a été éconduit assez vigoureusement. Mais pour toute réplique à cette mésaventure diversement expliquée, le potentiel candidat à l'élection présidentielle (l’année prochaine) dans son pays, le Bénin, a sur les réseaux sociaux, rompu toute la retenue nécessaire que devrait naturellement lui conférer son potentiel de "combattant". À savoir qu'un philanthrope de cet acabit, à moins de se prendre pour Dieu-le-Père, ou un dictateur contre qui rien ne résiste ; un « avant-gardiste » de ce cru, disions-nous, ne perd pas patience à la première déconvenue. Non, il va et revient en apprenant des milieux, des êtres et des circonstances. Autrement dit, les bœufs précéderont la charrue pour qu’elle ne bouge pas de là où elle est placée. Nous ne parlerons pas du relais de l'injure gratuite et du dénigrement indigeste sur les mêmes canaux de communication par l'autre "battante " de la cause africaine, la Bien Nommée Nathalie Yamb. De toute évidence, tous deux disposent d'un stock de vérités immuables, fondu dans une décharge langagière absolument fielleuse qu'ils n'hésitent pas à éparpiller avec la certitude de détenir la science infuse. Pour garantir le succès de cette lutte de souveraineté commencée avant notre venue au monde, et qui sans doute nous survivra, elle doit être menée de concert pour prétendre au résultat. Parce que plus les bras sont nombreux, mieux l’on étreint. S’attacher à désigner les « bons » et les « mauvais », à multiplier les adversaires, à ignorer les héros de la première heure participe d'un aveuglement regrettable et contre-productif. Dans une certaine mesure, ceux qui prennent le temps de se documenter, qui empêchent l'émotion de triompher à tout instant, se rappelleront toujours du rôle joué par le Congo Brazzaville et par ses dirigeants, ceux d'hier et d'aujourd'hui, dans ce que toute l'Afrique réclame depuis toujours : la fin du paternalisme quel qu’il soit, mais aussi le rejet de tout discours de haine qui oppose les nations entre elles, les peuples entre eux, les êtres humains contre leurs semblables. Si 65 ans après les indépendances africaines, la question des bases militaires étrangères s'est posée avec acuité ces temps-ci dans d'autres pays du continent et non dans l'ancienne capitale de l'Afrique équatoriale française, ancien pays marxisant du temps de la toute puissante Union soviétique, c'est qu'il s’y perpétue une idée de liberté et d'honneur de soi qui ne se dément pas. Avis aux panafricanistes emportés par le nombrilisme, qui pensent gagner la bataille de l’affranchissement seuls contre l'intelligence de triompher ensemble.
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