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Ce que nous apprend la crise de l’Europe

Samedi 29 Février 2020 - 17:33

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Si nul ne peut dire aujourd’hui quel sera le destin de l’Europe dans les décennies à venir il n’est ni trop tôt, ni trop exagéré de tirer les premières leçons de son évolution présente : avec bien sûr en tête de liste le Brexit, c’est-à-dire le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, et les tensions qui en découlent sur le plan budgétaire, dans le domaine de la défense, dans le cadre politique.

La crise que traverse le Vieux continent – car c’est bien d’une crise qu’il s’agit – envoie, en effet, des signaux forts à la communauté mondiale dans son ensemble et plus particulièrement aux nations du Tiers-monde qui se rapprochent elles-mêmes dans le but de créer des ensembles régionaux adaptés aux réalités du temps présent et donc capables de faire mieux valoir leurs intérêts sur la scène internationale.

Ce que nous apprend l’évolution présente de l’Europe peut se résumer en quelques phrases de la façon suivante :

 

  1. Pour s’ancrer solidement dans l’Histoire, une communauté de nations ne doit pas s’étendre géographiquement et humainement au-delà du raisonnable. Non seulement il lui faut tenir compte des leçons positives et négatives du passé, mais elle doit aussi prendre en compte la capacité de ses peuples à se rapprocher, à se réunir dans des ensembles institutionnels cohérents. C’est très précisément ce que les Pères de l’Europe – Alcide de Gasperi, Robert Schuman, Jean Monnet, Konrad Adenauer – avaient compris lorsqu’ils s’associèrent au sortir de la Seconde Guerre mondiale afin de créer pas à pas ce qui devait devenir, au terme d’un long processus, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), puis la Communauté Economique Européenne (CEE) et enfin l’Union Européenne (UE). Mais c’est visiblement ce que leurs successeurs n’ont pas pris en compte lorsqu’au lendemain de l’implosion de l’Union soviétique, il y a trente ans, ils ont intégré dans leur communauté une grande partie des pays de l’Europe de l’Est portant du même coup à vingt-huit le nombre des pays membres de l’UE (vingt-sept aujourd’hui).. 

 

2. Cette extension, qui n’est pas achevée puisque d’autres pays du Vieux continent demandent très logiquement aux Européens de les accueillir à leur tour, a eu trois résultats dont les effets négatifs se font de plus en plus sentir dans la gouvernance européenne : le premier a été d’alourdir considérablement le poids des institutions communautaires et de créer, ce faisant, une technocratie de plus en plus  pesante qui s’efforce de gérer au mieux mais de plus en plus difficilement les intérêts collectifs de l’Union  depuis la capitale européenne qu’est devenue Bruxelles ; le second a été de créer entre les Etats de l’Union des divergences qui ne cessent de s’aggraver, notamment une approche différente et parfois contraire de l’immigration sauvage qui menace de submerger les pays riverains de la Méditerranée ; le troisième a été de faire resurgir les divergences de nature stratégique entre la France qui s’est dotée de moyens militaires puissants parmi lesquels figure en bonne place l’arme nucléaire, et les pays comme l’Allemagne ou les pays nordiques qui fondent plus que jamais leur sécurité sur l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord (OTAN) et qui, de ce fait, ne sont guère enclins à créer un système de défense proprement européen.

 

S’il n’est pas certain aujourd’hui que l’Union Européenne pourra revenir aux fondamentaux sur lesquels elle s’est bâtie au sortir de la Seconde Guerre mondiale il l’est, en revanche, qu’après la sortie du Royaume-Uni elle va devoir revoir tout à la fois sa gouvernance et sa stratégie. Une double révision qui s’annonce douloureuse et qui servira de repères aux communautés de nations qui se créent ou s’esquissent aujourd’hui sur les cinq continents, en Afrique tout particulièrement où l’intégration régionale est perçue, à juste titre, comme le moteur des progrès à venir.

 

Croire que l’abaissement des frontières, l’usage d’une monnaie commune, la création d’un ensemble économique et financier, la mise en place d’institutions communautaires suffisent pour créer une union solide et durable est une utopie qui peut se révéler dangereuse. Seule, en réalité, une volonté politique commune peut y parvenir et c’est bien ce que démontre aujourd’hui la crise qui débute sur le Vieux continent.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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