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Diasporas, intelligentsia et développement de l’Afrique

Samedi 19 Janvier 2019 - 18:22

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«Communautés nationales migrantes en interaction entre elles et avec le pays d’origine », cette définition  appropriée de l’Union africaine sur la diaspora met l’accent sur ce que doit être leur volonté réelle, à savoir contribuer au développement du continent africain. Cependant, pour que cette contribution soit plus efficace, il est vital que l’on obtienne une adhésion massive de l’intelligentsia car, cette dernière paraît tantôt marcher à reculons.

L'intelligentsia, c’est bien sûr cette classe sociale engagée dans un travail de création et de diffusion de la culture, accompagnée par les artistes et les enseignants. Elle se confond de nos jours à l'élite intellectuelle reconnue de la nation, qui dirige le champ scientifique, littéraire, artistique en disposant le plus souvent d'un relais médiatique important.

De tous temps, les intellectuels et leurs ancêtres les lettrés ont été des hommes en mouvement, un bon nombre d’entre eux ont été des voyageurs par nature, des hommes se déplaçant sans cesse ; la révolution des transports et des communications ayant permis que cette caractéristique s’amplifie mais, pour quelle fin ?

La mondialité tant clamée doit passer  souvent par  des formes diverses dont  l’exil ou les voyages d’études et aussi par la circulation internationale des savoirs à travers séminaires et autres symposiums. Nombreux ont confondu voyage, qui impliquait un retour sur sa terre natale,  et  le voyage sans retour avec comme corolaires l’émigration et l’exil et  il apparaît que ce soit de nos jours des options plutôt choisies que subies.

L’on préfère être taxés d’immigrants, d’émigrés, d’exilés, d’expatriés, de bannis et parjures. Cette forme d’aliénation s’accompagne tantôt d’un déni de ses racines, sinon comment justifier que l’on ose affirmer tout haut que l’on préfère le président américain , Donald Trump, à un président africain, par exemple, avec des arguments fallacieux ?

L’émigration/immigration de l’intelligentsia est souvent perçue comme un élément perturbateur de l’ordre social, puisqu’elle illustre souvent une autre voie d’émancipation et de réussite qui revendique autonomie relative, liberté académique et de penser, gouvernance transparente du champ universitaire …, des conditions de vie et de travail plus acceptables mais qui sont loin d’être réalisables en Afrique. Le retour s’avère pour ces derniers difficile à envisager.

« S’ils en existent qui ne rêvent que d’être Blancs, l’avenir se chargera de leur faire comprendre que "le séjour dans l’eau ne transforme pas un tronc d’arbre en crocodile". »

Ce proverbe du Malien Seydou Badian devrait en inspirer de nouveau et faire entendre raison à cette portion congrue qui n’honore pas le continent.

Cependant, il faut reconnaître que les plus nombreux n’ont jamais renié leurs racines ; pour preuve, juste un chiffre pour rappeler si doute il y avait encore, la contribution inestimable de la diaspora, toutes classes sociales confondues dans le développement de l’Afrique, soixante-cinq milliards de dollars américains. C’est, d’après l’African institute for remittances, le montant envoyé par les diasporas africaines dans leurs pays d’origine en 2017. Est-il besoin de rappeler que c’est un montant largement au-dessus de l’aide publique au développement octroyée à l’Afrique par les pays développés ? Il s’agit ici de la stricte définition et du rôle fondamental que   la diaspora africaine doit jouer dans le développement du continent et l’on reconnaît bien par là la marque de ces communautés désireuses de contribuer pleinement au développement de leur pays.

Il est vrai que la fuite des cerveaux a fait perdre à l’Afrique ses meilleurs ingénieurs, techniciens, juristes, médecins, professeurs, chercheurs, scientifiques, artistes, écrivains, etc., qui ont quitté leurs pays pour l’Europe et l’Amérique du nord, l’Asie mais, l’aspect positif de ce phénomène se révèle lorsqu’ils ont conservé un lien fort avec le pays d’origine à travers divers mécanismes.

Ils demeurent dans cette condition « jeteurs de passerelles » entre le pays d’accueil et le pays d’origine et la plupart des spécialistes s’accordent pour admettre qu’il y a encore une grande marge de manœuvre. Si l’Afrique exploitait ces moyens financiers et humains, elle pourrait trouver ses propres solutions à ses problèmes de développement et compenser ainsi l’amenuisement des ressources de l’aide qu’elle reçoit des pays du Nord et du commerce avec eux.

Pour que l’apport de la diaspora puisse contribuer efficacement au développement de l’Afrique, que des mesures soient prises pour permettre de capter son financement. Les gouvernements des pays africains doivent intégrer la diaspora dans leurs stratégies de développement, s’informer davantage sur les membres de leurs diasporas et créer des liens plus solides avec eux afin de mettre en place des politiques plus cohérentes pour susciter leur intérêt. L’Éthiopie et le Rwanda, entre autres, l’ont bien compris et ont mis en place des politiques officielles relatives à la diaspora, comme la double nationalité et le soutien de leurs réseaux dans le monde.

 

Ferréol P. Gassackys

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