Opinion

  • Réflexion

Et l'Afrique du Nord s'enfonça dans la crise ...

Samedi 27 Juillet 2019 - 13:49

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Alors qu'elle fut longtemps, sinon un havre de paix, du moins l'un des espaces géopolitiques les plus stables du continent africain dans l'ère post-coloniale, l'Afrique du Nord s'enfonce désormais dans une crise dont personne ne saurait  prédire l'issue. Sur les cinq pays qui la composent - Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Tunisie - deux seulement sont, pour l'instant en tout cas, épargnés par une déstabilisation intérieure que les régimes en place depuis plusieurs décennies n'ont pas su anticiper.

° L'Algérie n'a toujours pas réussi, malgré la forte mobilisation de sa société civile, à organiser la succession d'Abdelaziz Bouteflika qui avait su gérer le pays pendant deux décennies et le placer en très bonne position dans le camp des pays émergents. Et son successeur par intérim, Abdelkader Bensalah, ne semble pas en mesure de relever rapidement ce défi.

° La Tunisie, qui avait choisi librement son nouveau président, Béji Caid Essebsi, après la révolution de 2011, vient tout juste de le perdre et son successeur par intérim, Mohamed Ennaceur, se trouve confronté au problème de l'organisation rapide de l'élection présidentielle et des élections législatives. Deux scrutins qui ne seront pas faciles à organiser dans le contexte actuel.

° La Libye a été détruite par la chute de son guide, Mouammar Kadhafi, chute organisée pour des raisons qu'il faudra un jour ou l'autre expliquer par les puissances occidentales au premier rang desquelles figurait la France de Nicolas Sarkozy. Et même si le Maréchal Haftar contrôle aujourd'hui la majeure partie du territoire, la stabilité du pays n'est toujours pas assurée.

Aux deux extrémités de cette partie du continent se trouvent fort heureusement deux puissances qui semblent, elles, assises sur des bases solides : le Royaume du Maroc que dirige Mohammed VI descendant de la dynastie Alaouite et la République Arabe d'Egypte que gouverne d'une main de fer Abdel Fattah al-Sissi. Mais cette stabilité se trouve menacée de façon indirecte par deux dérives: la première est celle qui frappe l'Algérie, la Tunisie et la Libye; la seconde, toute aussi dangereuse sinon même plus, est la déstabilisation de l'immense zone sahélo-saharienne générée par la crise libyenne qui frappe désormais de plein fouet le Mali, le Niger, la Mauritanie et qui semble sur le point de gagner le Sud.

Devenue une zone de non droit où se développent toutes sortes de trafics, y compris celui des êtres humains, cette partie du continent africain s'enfonce lentement mais sûrement dans une crise que la communauté internationale s'avère incapable de gérer comme le démontre l'échec des interventions militaires lancées pour y mettre fin. Et, bien sûr, cette dérive générale ne peut qu'être aggravée dans les mois et les années à venir par les incertitudes politiques qui se multiplient en Afrique du Nord.

Que faut-il conclure de ce qui précède ? Simplement le fait que si l'Union africaine ne se mobilise pas très vite et toute entière pour aider les peuples du nord du continent à régler leurs problèmes internes de façon pacifique, si d'autre part la communauté internationale dans son ensemble n'appuie pas de façon très concrète les actions entreprises par cette même Union, la situation deviendra vite intenable. Avec les conséquences tragiques que les drames à répétition qui se déroulent dans les eaux de la Méditerranée auront pour l'Europe et que la descente vers le Sud de la violence ethnique ou religieuse aura inévitablement pour le reste de l'Afrique.

 

 

  

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Réflexion : les derniers articles