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La négociation financière entre le FMI et la Cémac : les enjeux

Lundi 8 Janvier 2018 - 19:43

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La crise financière et économique qui frappe la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) se caractérise par une chute du PIB de 50.159 milliards (Mds) $ en 2014 à 45.323 Mds $ en 2017, des exportations pétrolières de 33,10% du PIB contre 12,80% ; et une forte augmentation de la dette de 26,30% à 43,60% du PIB.

La croissance économique baisse de 4,13% à 2,27%, alors que les recettes totales hors dons chutent de 26,47% à 19,33% du PIB et les dépenses publiques de 29,7% à 19,33%. Le déficit des transactions courantes passe de - 3,96% à -5,16% PIB. Le Cameroun est le seul pays sur six qui respecte les critères de convergence économique et monétaire. En cause :

1) une économie faiblement diversifiée qui n’a pas supporté le choc engendré par la baisse du prix du pétrole de 110$ à 40$ le baril. La rente pétrolière ne fournit plus assez de liquidités pour soutenir le développement, sans l’aide financière extérieure. Le taux de croissance du secteur primaire est passé de 4,1% à -1,0% du PIB, le secondaire de 3,6 à 7,5% et le tertiaire de 5,9 à 3,5%. Dans le secteur non pétrolier, ce taux est passé de 5,6 à 4,8% du PIB quand celui du secteur pétrolier chute de 4,8% à 2,7% du PIB. La structure financière de la sous-région s’est profondément fragilisée.

2) une couverture inefficace des risques : les réserves de change ont baissé de 15,525 à 5,61 Mds $, alors que la couverture des importations est passée de 5,9 à 2,7 mois, inférieurs aux cinq mois nécessaires pour garantir la convertibilité du franc CFA par rapport à l’euro, et que les avoirs extérieurs nets de la BEAC sont de -5.585 Mds FCFA. Dès janvier 2017, chaque pays de la Cémac a engagé des négociations avec le FMI pour obtenir une part des 8,4Mds $ de facilité élargie de crédit sur trois ans, pour relancer son économie dans une plate-forme commune. La Banque mondiale, l’Union européenne et la Banque africaine de développement apportent 55% de ce crédit, le FMI 30% et la restructuration de la dette des pays concernés 15%. La quote-part de chaque pays est le produit de ses droits de tirage par le rapport du montant total du crédit sur le total des droits de tirage des pays de la Cémac. En 2017, 1 708,3 millions $ de crédits ont été octroyés, dont 39,10% au Cameroun, 37,68% au Gabon, 18,31% au Tchad et 4,91% à la RCA. Le Congo et la Guinée Equatoriale poursuivent encore les négociations.

3) Des nouvelles règles de la discipline budgétaire reposent sur la suppression des avances statutaires d’ici 2027 qui augmentent les déficits des Etats, en réduisant le plafond de refinancement prudentiel de 20 % à 10% des recettes budgétaires de l'exercice précédent, lorsque les réserves imputées sont inférieures à 20 % des passifs monétaires, et de 10 % de plus lorsque les réserves imputées deviennent négatives ; l’amélioration du cadre de la réglementation bancaire, et le renforcement du cadre de surveillance de la convergence économique et monétaire.

4)Vers le programme de réformes économiques et financières qui fixe la plate-forme commune jetant les bases d’une croissance plus inclusive, définies en vingt et une mesures reposant sur cinq piliers de la gouvernance régionale: 1) la maîtrise des politiques de finances publiques, à travers la mobilisation des recettes non pétrolières, l’amélioration de la qualité des dépenses publiques et l’accélération de la mise en œuvre des directives harmonisées ; 2) la reconstitution des réserves ; 3) l’amélioration du climat des affaires et la promotion d’une économie régionale plus diversifiée, à travers la création de l’Observatoire du climat des affaires, la promotion des partenariats public-privé et la titrisation de la dette intérieure; 4) l’intégration régionale pour donner plus de profondeur au marché intérieur, par le renforcement de l’efficacité de l’union douanière et des infrastructures de transport transfrontalières; 5) la coopération internationale pour améliorer le dialogue avec le FMI et les autres partenaires moyennant la coordination entre les pays et les services de la Commission de la Cémac pour veiller à la réalisation des programmes financés par le FMI, à la faveur de rencontres régulières et d’un échange d’informations sur leur mise en œuvre.

Chaque État intègre ces mesures dans son plan national de relance triennal. Une équipe de la Cémac veille à la cohérence des plans de relance nationaux et du plan de relance régional. Elle est assistée par un Comité de pilotage comprenant les ministres de l’Économie de la Cémac qui rend compte trimestriellement.

Ainsi, la fragilité structurelle de l’économie de la Cémac exige un engagement plus ferme des dirigeants et une discipline budgétaire pour promouvoir une culture d’excellence accompagnant une nécessaire intégration politique à construire.

Emmanuel Okamba Maître de conférences HDR en sciences de gesti

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Édition Quotidienne (DB)

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