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La presse africaine et la révolution du numérique

Samedi 25 Octobre 2014 - 14:45

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L’Institut Goethe de Paris a organisé la semaine dernière un débat sur l’avenir de la presse écrite dont le thème était le suivant : « La fin du journal ? Informer et s’informer : du papier au numérique ».  De ce débat est ressortie l’idée, peu réaliste d’après moi, selon laquelle la presse écrite serait condamnée à plus ou moins brève échéance par l’irruption brutale et irréversible du numérique dans l’univers figé du papier journal.

Pour celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui lisent  chaque matin Les Dépêches de Brazzaville , je crois nécessaire de réfuter cette thèse en avançant les quelques points suivants :

  1. La crise des quotidiens dans les grands pays industriels est évidente. Mais elle ne date pas d’hier et ne signifie nullement que la version papier des journaux se trouve condamnée dans le reste du monde. Sans doute se traduira-t-elle, en Europe comme aux États-Unis, par la disparition de nombreux quotidiens dont le prix de vente est excessif – 2 euros, soit 1.300 F CFA, pour un journal comme Le Monde ! –,  mais elle ne touchera pas les pays émergents dont le niveau de vie s’élève rapidement et dont les habitants accèdent de plus en plus nombreux à l’éducation. Si la presse écrite assume pleinement sa mission d’information, elle attirera vers elle un nombre de plus en plus grand de lecteurs comme nous en faisons nous-mêmes la démonstration ici, au Congo.
  2. Contrairement aux idées reçues, l’explosion du numérique permet à la presse écrite de se redéployer et de gagner des marchés infiniment plus grands que ceux auxquels elle s’attaquait jusqu’à présent. Ceci pour les deux raisons que voici : d’abord parce que la version électronique des quotidiens, téléchargeable et donc imprimable, permet de diffuser le journal instantanément sur toute l’étendue du globe, abolissant ainsi purement et simplement l’espace ; ensuite, parce que les journaux peuvent désormais être imprimés, donc diffusés, simultanément dans leur pays d’origine et dans tous les pays où existent des imprimeries capables de les fabriquer, ceci grâce à la transmission instantanée de leur contenu par voie électronique sous forme de PDF.
  3. Le jour est proche où les grands journaux de l’hémisphère nord découvriront que l’hémisphère sud, c’est-à-dire essentiellement l’Afrique et l’Amérique Latine où vivent plus de la moitié des humains, sont d’immenses marchés potentiels que le progrès technique leur donne la possibilité d’explorer. Ce jour là, à condition bien sûr qu’ils pratiquent des prix raisonnables et qu’ils fassent l’effort d’insérer dans leur contenu des informations intéressant ce nouveau public, ces médias écrits verront leur diffusion repartir en flèche. C’est ce que nous ne cessons d’expliquer aux éditeurs français qui considèrent toujours le Sud avec condescendance, mais qui vont devoir se tourner vers lui s’ils veulent survivre à la crise dans laquelle ils s’enfoncent inexorablement.
  4. Nous sommes au début d’une  véritable révolution de la presse quotidienne dont la diffusion, grâce aux tablettes, smartphones et autres instruments de communication instantanée s’accroîtra démesurément dans les années à venir. Mais ceci aura comme conséquence d’obliger la presse écrite à se diversifier en diffusant des informations continues sur le web tout en sélectionnant ces mêmes informations pour leur version papier. D’où la combinaison des fonctions d’agence de presse et de quotidien sur laquelle nous travaillons nous-mêmes activement car elle nous ouvrira, grâce à l’accroissement constant de la diaspora sur les cinq continents, un marché sans commune mesure avec celui que nous desservons aujourd’hui.

Conclusion de ce qui précède : la presse écrite, contrairement à ce qui se dit ici et là, a de beaux jours devant elle. Et si les journaux du monde émergent s’adaptent eux-mêmes rapidement aux nouvelles technologies de la communication, ils pourrons rivaliser bientôt avec les journaux de l’hémisphère nord qui tiennent le haut du pavé mais ne parviennent pas à surmonter la crise née du progrès technique.  Leur influence à l’échelle mondiale croîtra alors à proportion et bien des idées reçues seront envoyées aux oubliettes.

C’est très précisément le pari que nous faisons.

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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