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À la rencontre du nouveau monde

Samedi 11 Juillet 2015 - 13:55

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Même s’il  n’a pas donné tous les résultats que son hôte, le président russe Vladimir Poutine, escomptait le Sommet des Brics (Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du sud) qui s’est tenu à Oufa en fin de semaine dernière a confirmé que les lignes bougent fortement à l’échelle de la planète. Si bien que l’on peut dire, sans grand risque de se tromper, qu’un nouvel ordre mondial s’instaure sous nos yeux que ne domineront pas les puissances occidentales comme c’était le cas depuis l’implosion de l’Union Soviétique il y a quelque vingt-cinq ans.

Soyons toutefois réaliste : le basculement stratégique auquel nous assistons ne fera sentir pleinement ses effets que dans la décennie à venir car les pesanteurs institutionnelles sont si lourdes qu’il faudra un certain temps avant que ce changement se concrétise au sein des instances supérieures de la gouvernance mondiale, c’est-à-dire aux Nations unies et dans les Institutions financières de Bretton Woods. Mais les États émergents, et tout particulièrement les Etats africains qui regrouperont à échéance de quarante ans près d’un quart de la population mondiale, feront bien de s’y préparer sérieusement car ce changement est d’ores et déjà inéluctable.

Avant d’aller plus loin dans le raisonnement il faut savoir que les pays occidentaux, qui détenaient jusqu’à présent les clés du pouvoir, sont conscients eux-mêmes de la révolution qui se prépare : les Européens, qui n’ont pas su dépasser le seuil de l’union économique et instaurer chez eux la communauté politique voulue par les Pères fondateurs de l’Union au sortir de la deuxième guerre mondiale, se trouvent placés devant un dilemme qu’ils ne semblent pas capables de résoudre ; les Américains, qui dominent plus que jamais le camp occidental, ne croient plus quant à eux leur principal allié, l’Europe,  capable de faire taire ses divergences internes et se préoccupent donc de placer à nouveau celui-ci sous tutelle comme ce fut le cas tout au long de la Guerre froide.

Même si tout semble indiquer le contraire comme on le voit dans la crise ukrainienne, en Europe, et dans l’affrontement latent qui oppose la Chine et le Japon, en Extrême-Orient, les Etats-Unis ont conscience du basculement stratégique qui se prépare. Ils savent que tôt ou tard les Brics exigeront  et obtiendront un rééquilibrage des pouvoirs au plan international qui réduira fortement l’influence du camp occidental sur le cours des évènements ; et très logiquement ils s’y préparent dans le secret des services qui, ouvertement ou secrètement, gèrent leur diplomatie.

Est-il besoin de souligner que les pays émergents, en Afrique notamment, feraient bien de prendre en compte dès à présent les conséquences inévitables du changement qui se prépare ? S’ils veulent, en effet, jouer demain un rôle à la mesure de leur poids humain, économique, financier, stratégique ils doivent dès aujourd’hui adapter leurs propres institutions au nouvel univers dans lequel ils baigneront demain. Faute de le faire en réformant de l’intérieur l’Union Africaine qui les rassemble, ils passeraient à côté de l’occasion qui s’offre à eux  de placer leurs intérêts sur le devant de la scène mondiale et de profiter de la réforme de la gouvernance mondiale en cours pour prendre au sein de celle-ci la place qui leur revient naturellement.

Pour dire les choses de façon plus concrète, des évènements comme la Conférence mondiale sur le climat qui se tiendra à Paris à la fin de cette année devraient être mis à profit pour faire entendre de façon audible la voix de l’Afrique. Alors, en effet, les puissances de l’Ancien et du Nouveau monde comprendraient qu’elles ne peuvent pas continuer à ignorer une réalité qui s’imposera inéluctablement à elles dans le proche avenir. Au-delà de la protection de la nature, qui est un enjeu vital pour l’humanité, elles se préoccuperaient enfin de ce que pensent et veulent les pays émergents.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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