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La ville de demain

Lundi 25 Mai 2020 - 15:08

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Dans la longue histoire de l’humanité, il est démontré que les pandémies ont toujours laissé des impacts visibles entraînant souvent des modifications importantes dans notre manière d’organiser la vie. Cela est tout particulièrement vrai pour ce qui concerne l’urbanisme. Confinement, distanciation sociale, port de masque obligatoire, surveillance, réseau d’entraide, télétravail ou encore l’école à domicile, sont autant d’éléments qui ont durablement impacté notre vie pendant le temps du confinement observé par tous les Etats ayant adopté cette mesure pour stopper la propagation de la pandémie du Covid-19.

Alors que la population humaine a plutôt tendance à s’urbaniser et à se regrouper dans les grands ensembles industriels et commerciaux et que l 'OMS recommande 1,5m la distance sécuritaire d'un point de vue sanitaire entre deux individus conduisant à l'observation des mesures de distanciation sévères, comment concilier densification et nécessaire séparation des habitants, comment construire des villes plus viables et plus sûres sanitairement ?

La réponse à cela pose fondamentalement la question de l’urbanisation après Covid-19 et au-delà la question existentielle de demain.

Répondre à cette question, c’est trouver des alternatives crédibles et efficaces aux nombreux défis que le monde d’après Covid-19 doit affronter et ils sont nombreux. Cela concerne aussi bien le mode de transport, la généralisation du télétravail, l’école à domicile, le manque d’espace, de balcons, de trottoirs, que des centres commerciaux et des parcs d’attraction ou de loisirs. Les villes de demain ne seront plus construites sur le modèle actuel. Les spécialistes de questions urbaines, commencent déjà à réfléchir sur le modèle de villes à bâtir après le Covid-19.

En effet, la crise du Covid-19 a créé des accommodements nouveaux qui ne disparaîtront pas sans laisser des empreintes. Ce qui permet de poser la question à quoi va ressembler notre vie demain ?

A la faveur de l’élection du nouveau maire de la ville capitale de notre pays, cette question de la construction de la ville de demain sera le principal problème auquel il fera face. Car en plus de ce que nos villes ne sont pas construites selon des normes urbaines claires et rigoureuses, il se pose désormais un autre problème celui de la prise en compte des exigences sanitaires apparues avec le Covid-19.

Le transport qui devrait être l’un des facteurs déterminants pour une mobilité sans risque ne peut s’organiser dans cette optique que si des aménagements importants sont opérés dans la structuration, l’assainissement et l’aménagement de nos rues et avenues. En les rendant plus larges avec des trottoirs convenables permettant aux piétons, aux cyclistes et personnes vulnérables de jouir en toute quiétude de cet espace public commun.

Or, actuellement, il est presque impossible de circuler librement dans les rues et avenues de nos villes. Il est quasiment impossible de conduire dans la plupart de nos quartiers urbains. Les rues ne sont pas bitumées, les trottoirs inexistants ou mal construits avec des conduites d’eaux ouvertes et mal connectées aux bassins versants qui devraient leur permettre d’évacuer les eaux usées. Chaque pluie est un véritable cauchemar pour les citadins.

Les habitations sont construites sur des terrains non viabilisées. Le résultat de ce désordre est connu de tous. Lorsque le couvert végétatif est déblayé, la nature reprend le contrôle de la situation par des érosions, des glissements de terrains et des éboulements.  Ceci est valable pour Brazzaville et Pointe-Noire comme pour les autres villes départementales.

Le Covid-19, comme jadis, les autres grandes pandémies de l 'histoire, laissera des impacts et les spécialistes des questions urbaines ainsi que les autorités municipales devraient tenir compte des alertes données par cette pandémie en ce qui concerne les exigences sanitaires, pour redessiner les villes demain.

A la faveur de l’élection du nouveau maire de la ville capitale du pays, on peut légitimement considérer que cette question figurera en bonne place parmi les urgences de sa mandature. 

Dans le passé, plusieurs pandémies ont constitué autant de facteurs déclencheurs pour refonder le modèle d’organisation sociale et humaine.  La peste d’Athènes en 430 avant Jésus-Christ avait profondément changé l’identité de cette ville. La Mort noire a bouleversé l’équilibre des classes en Europe, sans oublier la fièvre à virus Ebola en Afrique subsaharienne qui a mis en évidence les risques de la mondialisation à cause de l’hyper connectivité des communautés humaines. 

De toute évidence, il se posera en premier une question sous forme de dilemme. En effet, la distanciation sociale et le confinement ont été parmi les premières décisions prises à travers le monde pour limiter la propagation de la pandémie de Covid-19. Mais, on sait aussi que la densification est indispensable pour permettre de construire des villes avec une empreinte écologique réduite.

La contradiction apparente entre densification et désagrégation spatiale laisse apparaître le conflit entre les exigences de santé publique et la préservation du climat. Dans certains pays industrialisés, des classes aisées n’hésitent pas à quitter les grandes métropoles, pour s’installer en provinces ou en campagnes pour profiter du calme de la vie. Mais aussi en exploitant les facilités offertes par la technologie qui à la fois réduisent les distances et facilitent le travail à distance qui tend à se généraliser.

Autre changement introduit par cette crise, c’est l’apparition de villes intelligentes qui se sont montrées plus sûres. Grâce à l’usage du numérique, les autorités de ces villes comme à Seoul ont mis en place un dispositif de traçage pour suivre les contaminés et prévenir l’apparition des nouveaux foyers. Par contre, cette méthode reste encore controversée, car plusieurs personnes craignent la banalisation de la surveillance des citoyens et la violation de leur intimité. On craint aussi que cela confère à l’Etat un pouvoir plus étendu de surveillance des citoyens et sachant que d’ordinaire les dispositions qui sont prises dans le cadre des situations d’urgence s’installent dans la durée. Les couvre-feux sont quelques fois plus faciles à mettre en place qu’à lever.

Autre facteur qui ne manquera pas de nuire à la cohésion urbaine c’est la stigmatisation. Par le passé des communautés minoritaires sont taxées par une majorité comme ayant apporté le malheur. Le discours du président américain qualifiant ce virus de « virus chinois » procède de cette logique.

Si, comme on peut le constater, les pandémies peuvent créer de nouvelles exigences d’organisation sociales et urbaines, on se pose la question de savoir si ces tendances peuvent se traduire par des acquis durables.

 

 

 

Emmanuel MBENGUE

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Édition Quotidienne (DB)

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