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L’Afrique dans la libération de la France

Mercredi 8 Juillet 2020 - 19:36

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L’An 80 de « L’appel du 18 juin » est le rappel que 1940 constitua un vrai tournant dans la Seconde Guerre mondiale. Les semaines et les mois qui suivirent le message londonien du général de Gaulle virent se développer plusieurs axes d’action. Ainsi naquit la Résistance dont Jean Moulin fut la figure emblématique ; ainsi vit le jour un réseau de ralliements de tous ceux qui s’opposaient au gouvernement de Vichy. En juin 1940, la France est libre, mais Paris n’est pas encore libérée. Avec une lucidité imbibée de paradoxe, Jean-Paul Sartre put écrire de cette période que « Jamais nous n’avons été aussi libres que sous l’occupation allemande ».

 

Vu du continent africain, ce tournant de la guerre mit au grand jour le destin particulier de l’Afrique équatoriale dans l’histoire française. La voix qui porta son écho depuis Londres jusqu’en AEF trouva en celle-ci un terreau d’adhésion des Français libres galvanisés par le gouverneur du Tchad, Félix Eboué, et un groupe important de hauts gradés, parmi lesquels Philippe Leclerc, Edgard de Larminat, Adolphe Sicé. Ces ralliés d’Afrique feront de l’immense territoire de l’Afrique centrale le lieu du rassemblement des troupes fidèles à de Gaulle. Et c’est le 27 octobre 1940 que celui-ci signera l’ordonnance instituant le Conseil de défense de l’Empire qui sera publiée au Journal Officiel de la France Libre le 20 janvier 1941.

 

Un véritable gouvernement est au travail. Il a son siège officiel et constitutionnel à Brazzaville, avant qu’il ne soit transféré à Alger en 1943. Le quartier général militaire, le journal officiel et la station radio légitimement française libre (Radio Brazzaville) se trouvent également à Brazzaville. Ainsi donc, entre 1940 et 1944, la place prise par l’Afrique équatoriale dans la construction de la France libre fut essentielle dans l’organisation des troupes recrutées. Les opérations de guerre nécessitaient des actions importantes. En plus du recrutement des combattants, il était urgent de constituer un appareil politique solide et ambitieux. Cette période de l’histoire fut particulière pour Brazzaville. De Gaulle a pu associer, à ce moment-là, son nom au devenir de cette ville, tout comme le fit Pierre Savorgnan de Brazza avant lui. D’ailleurs, à ce sujet, Adolphe Sicé écrira «  Deux grands hommes auront marqué cette ville : de Brazza, auquel elle doit son nom ; de Gaulle, auquel elle doit son destin ».

Quatre-vingt ans après « L’appel du 18 juin » bien peu de personnes se souviennent que la vraie capitale de la France libre fut Brazzaville. La Résistance intérieure en France n’avait plus de moyens de contrer la puissance allemande mais la Résistance extérieure, constituée pour une grande part d’Africains, sut donner au général de Gaulle sa légitimité sur la scène internationale.

 

Cette page d’histoire des relations entre la France et l’Afrique s’est écrite au nom d’un idéal : celui de la liberté conquise. Il n’est pas superflu que l’évocation solennelle de l’appel du général de Gaulle associe tout aussi solennellement la contribution de l’Afrique à la libération de la France. C’est à juste titre que l’historien français Eric Jennings écrira en 2014 son ouvrage remarqué, La France libre fut africaine.

 

 

Belinda Ayessa

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Édition Quotidienne (DB)

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