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Lutte pour les indépendances aux Congo : bref aperçu de l’apport de la musique

Mercredi 19 Août 2020 - 16:31

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L’art en général et la musique en particulier sont des véritables miroirs de nos sociétés. Ils en portent la marque du temps et de l’espace, tels des stigmates, au point où quelquefois, il peut paraitre plus avisé de les consulter, que de lire les manuels d’histoire, lorsque l’on veut s’enquérir des faits sociaux, politiques, culturels… d’une société quelconque, à une certaine époque.

Au moment où l’on célèbre, peu ou prou, les soixante ans d’indépendance des anciennes colonies françaises d’Afrique, il nous est paru intéressant de revisiter brièvement cette relation art-société, pour mieux se projeter. Car si la lutte anti coloniale est par nature politique, nombre de ses expressions revêtaient des visages improbables, de type économique, social, culturel, comme si elle cherchait à se camoufler.

D’entrée de jeu, il importe de rappeler que la colonisation, en tant que figure de l’impérialisme, visait, entre autres finalités, à anéantir les cultures autochtones afin de mieux asseoir sa domination. De ce point de vue, le système colonial français fondé sur l’assimilation était l’un des plus écrasants, en comparaison avec le système anglophone, par exemple. Ce dernier, assis sur un autre principe, celui de l’association (indirect rule) ménageait- du moins en théorie- les spécificités culturelles de chaque peuple, posant ainsi, progressivement les jalons du multiculturalisme.

L’on se souviendra aussi que les cercles intellectuels africains, souvent installés en métropole, ont été les fers de lance des mouvements anticolonialistes, à l’instar de la négritude. Or, la musique, à l’époque, fut un véritable « repaire » d’intellectuels. C’est donc tout naturellement qu’elle contribuera de manière multi forme et décisive à la lutte anti coloniale, par la dénonciation d’abord, puis en participant à la construction des identités nationales et de l’imaginaire collectif, à l’égard du système colonial.

En ces temps de célébration des indépendances, nous avons pensé mettre à l’honneur une chanson des plus emblématiques de ce phénomène, à savoir « Indépendance cha cha », d’illustre mémoire. La chanson fut composée par Joseph Kabasélé et son African Jazz, en juin 1960, dans le sillage de la table ronde, à Bruxelles, au cours de laquelle allait se décider l’avenir politique de l’ex Congo-Belge. Ayant traversé le temps, sans coup férir, elle trône encore aujourd’hui, au cœur des hymnes symboles des indépendances africaines, par sa portée panafricaine.

Les musiques des deux rives du fleuve Congo sont historiquement complices et concurrentes à la fois. Aussi pour célébrer l’indépendance du Congo-Brazzaville, les Bantous de la Capitale avaient-ils estimé utile de lancer une chanson « rivale », « Mokili ». Mais celle-ci, arrivée avec un « train de retard » sur l’autre, ne connaitra qu’un succès mitigé.

Toutefois, étant l’un des orchestres les plus prisés du continent à cette époque, les Bantous seront invités partout, sillonnant toute l’Afrique de l’Ouest et du Centre, au rythme des indépendances : Togo, Benin, Tchad, Centrafrique, Sénégal, Côte d’Ivoire etc. A Brazzaville, le 15 août 1960, jour de l’indépendance du Congo, ils avaient eu naturellement le privilège d’animer les festivités y afférentes, en tandem avec African Jazz, en présence d’André Malraux, représentant le général de Gaulle.

Quel que soit l’angle de vue, l’art et singulièrement la musique est indissociable de la société, dont elle véhicule les préoccupations, dans ce qu’elle a de plus noble que de pire. « Indépendance cha cha » est donc ce chef qui s’inscrit dans ce dialogue permanent, qui n’a manifestement pas fini de nous révéler ses derniers secrets.

                                                                                                
 

 

 

 

 

Guy Francis Tsiehela

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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