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Où peuvent conduire les dissensions au sein de l’Europe ?

Samedi 2 Novembre 2019 - 16:24

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Personne aujourd’hui ne peut dire sur quoi débouchera demain le conflit larvé, ou plutôt la dissension non explicite, qui se développe entre les deux principales puissances de l’Union européenne (UE), à savoir l’Allemagne et la France. Se manifestant publiquement sur différents points, notamment l’ouverture ou la non ouverture de l’Union à de nouveaux Etats et la nomination d’une personnalité française à la tête d’un des plus importants postes de la Commission européenne, cette mésentente provient aussi et surtout d’un désaccord de fond entre les deux pays qui risque de réveiller les vieux démons du passé.

Nous n’avons aucun doute sur le fait qu’un tel propos suscitera à nouveau la réprobation des représentants de l’Union sur les deux rives du Congo. Mais ce qui se passe aujourd’hui à Bruxelles est très exactement ce que nous avions prédit ici même, il y a plusieurs mois.

Au cœur du débat qui s’engage de façon souterraine mais bien réelle entre l’Allemagne et la France figure, en effet, la question de la défense car, bien sûr, l’on n’efface pas le passé d’un trait de plume. Redevenue la première puissance économique du Vieux continent, l’Allemagne, qui a retrouvé non sans mal son unité après des décennies de rupture entre l’Est (République démocratique allemande) et l’Ouest (République fédérale allemande), songe aujourd’hui très logiquement à se doter à nouveau d’un système de protection territoriale puissant et autonome. Et, bien sûr, cela ne plaît ni à l’Angleterre ni à la France, ni d’ailleurs à la majorité des pays membres de l’UE qui n’ont pas oublié les conflits avec l’Allemagne dont surgirent les deux guerres mondiales du siècle précédent.

Le Royaume-Uni s’apprêtant à quitter l’Europe – et ce qui précède n’est sans doute pas étranger à ce retrait –, la France se retrouve dans une position d’autant plus délicate que l’Otan, autrement dit l’Alliance Atlantique, se trouve elle-même fortement déstabilisée par la politique de l’« American first » que prône le président Donald Trump avec une agressivité inédite. Et le fait qu’elle se soit dotée de l’arme nucléaire pour prévenir le mauvais sort dans les siècles à venir ne la protège en rien, contrairement à ce que pensait le général de Gaulle qui l’en avait dotée, il y a soixante ans.

Dans un monde où les cartes stratégiques se rebattent à grand bruit avec la Russie qui réaffirme sa position de grande puissance, la Chine qui s’impose comme un partenaire incontournable en Asie et en Afrique, les Etats-Unis qui sont à nouveau tentés par le repli sur soi, il est évident que l’Europe va devoir enfin regarder la vérité en face. C’est-à-dire soit se diviser à nouveau, ce qui lui a coûté fort cher dans le passé, soit construire un système de défense et de sécurité collectif adapté aux réalités du monde présent.

Créer enfin la Communauté européenne de défense que les Pères de l’Europe avaient inscrite en bonne place dans leur politique de reconstruction du Vieux continent devrait, dans ce contexte, s’imposer logiquement aux dirigeants de l’Union comme un impératif catégorique. Voyons si ceux-ci le comprendront dans les mois et les années à venir et sauveront ainsi la communauté que leurs prédécesseurs ont eue tant de courage mais aussi tant de mal à édifier au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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