Opinion

  • Réflexion

Où va le couple Allemagne-France ?

Samedi 20 Avril 2019 - 17:45

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Nous avons évoqué cette question ici même à plusieurs reprises ces derniers temps, mais les tensions qui s’aggravent entre les deux nations, à l’approche des élections européennes qui se tiendront les 25 et 26 mai de cette année, nous conduisent à la reformuler de la façon suivante.

L’Allemagne et la France se sont disputées pendant des siècles pour, au final, s’entredéchirer en provoquant deux guerres mondiales qui causèrent la mort de dizaines de millions d’êtres humains, dévastèrent l’Europe, s’étendirent à l’Afrique et à l’Asie, provoquèrent le pire génocide de l’Histoire. Puis, très sagement, au sortir du second de ces conflits planétaires, elles ont décidé de s’unir pour construire enfin une communauté européenne équilibrée qui mettrait un terme à leurs dissensions multiséculaires et qui protègerait les générations à venir. Ainsi est née la Communauté économique européenne qui elle-même est devenue, quelques années plus tard, l’Union européenne (UE) en intégrant les nombreux pays de l’Est qui faisaient jusqu’alors partie de l’empire soviétique.

Tout, en apparence, semblait donc indiquer que le vieux continent, ayant tiré les leçons de ce passé tumultueux et mortifère, allait s’organiser en une fédération ou une confédération qui elle-même s’imposerait au sein de la communauté internationale comme une véritable puissance mondiale face aux Etats-Unis, à la Russie, à la Chine et à l’Inde. Autrement dit concrétiserait le rêve de ses pères fondateurs : Konrad Adenauer (1876-1967), Joseph Bech (1887-1975), Johan Willem Beyen (1897-1976), Winston Churchill (1874-1965), Alcide De Gasperi (1881-1954), Robert Schuman (1886-1963), Walter Hallstein (1901-1982), Sicco Mansholt (1908-1995) et Jean Monnet (1888-1979). Et, de fait, pendant près de vingt ans, c’est-à-dire jusqu’au début de la deuxième décennie de ce siècle, tout a semblé aller dans ce sens.

Mais voici que deux mouvements se sont conjugués ces dernières années qui ont profondément perturbé la longue et difficile marche en avant entreprise par l’Allemagne et la France au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

° Le premier a été la perte d’identité de l’UE provoquée par l’augmentation trop rapide du nombre de ses Etats membres. En passant de sept à quinze, puis à vingt-huit Etats, la machine de Bruxelles est, en effet, devenue ingouvernable au sens propre du terme. Elle a rendu les Etats fondateurs, c’est-à-dire l’Allemagne, la France et l’Angleterre, prisonniers d’une institution que domine désormais une technocratie aussi puissante qu’incapable de comprendre l’importance des défis que doit relever l’UE. Et c’est ce qui explique pour une large part le Brexit anglais, c’est-à-dire la sortie du Royaume-Uni de l’UE que les autorités de Londres jugent maintenant et à juste titre dangereusement instable.

° Le second mouvement a été la montée en puissance de l’Allemagne au sein de l’Europe. Devenue, grâce à la réunification de la République fédérale d'Allemagne et de la République démocratique allemande au lendemain de l’effondrement du Mur de Berlin, la première puissance économique et financière du vieux continent, l’ancien Reich considère maintenant qu’il doit avoir les mêmes droits que la France au sein de la communauté mondiale. Il milite de ce fait pour une place de l’Europe au sein du Conseil de sécurité des Nations unies qui priverait ipso facto la France de ce poste aussi stratégique que prestigieux acquis grâce à la possession de l’arme nucléaire. Et l’abcès purulent qui naît de cette aspiration ne peut qu’empirer dans les mois et les années à venir.

Personne à Bruxelles, à Paris, à Berlin, à Londres, à Rome et autres capitales du vieux continent n’ose bien sûr évoquer publiquement ces questions, mais une observation attentive du climat qui règne aujourd’hui dans les institutions de l’UE et de la remontée du populisme dans de nombreux pays du vieux continent confirme ce qui est écrit ici. Avec cette conclusion que si le couple franco-allemand n’aborde pas très vite ces problèmes de face et ne s’efforce pas de leur trouver une solution acceptable, l’Europe se délitera inexorablement avec toutes les conséquences négatives que cela aura pour le vieux continent.

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Réflexion : les derniers articles