Opinion

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Premier Sommet de la Commission du Climat du Bassin du Congo et du Fonds bleu pour le Bassin pour le Congo ou l'art de penser le destin de la nature au XXIe siècle

Dimanche 29 Avril 2018 - 19:45

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L’opportunité du Sommet de Copenhague m’avait inspiré un article publié en français et en anglais dans « Les Dépêches de Brazzaville »,  dans les n° 883 et 884 des 14  et 15 décembre 2009 sur le titre "Copenhague ou le sommet de l’éthique de responsabilité universelle : tous contre la chaleur universelle (et si l’Afrique refusait les conclusions du sommet)".  L’idée de la présente publication qui, sans doute, m’occupait beaucoup s’est cristallisée ce mois d’avril 2018, suite aux récentes tergiversations de l’administration américaine sur l’Accord de Paris. « On naît. On meurt. C’est mieux si entre les deux on a fait quelque chose » (Francis Bacon).

La prise de conscience relative au climat est un grand pas contre la fascination de l’erreur et de l’insouciance. Il est constant de se rendre à l’évidence en mettant en lumière l’aporie suivante : "On ne commande à la nature qu’en lui obéissant". Cette idée de Francis Bacon (1561-1626), philosophe anglais et homme d'Etat, constitue la base de toute réflexion sur les questions actuelles  sur les changements  et le  réchauffement climatiques. Quel enseignement peut-on tirer du refus de cet  aphorisme  qui constitue l'intelligence absolue dans la réflexion philosophique sur le destin de l’humanité aujourd'hui ?
 Le Sommet de Brazzaville, au cœur du bassin du fleuve Congo, saura-t-il sortir de l'impasse  afin d’indiquer de manière pratique la voie à suivre avec des objectifs précis et concrets ? Rien ne nous permet de désespérer car la nourriture respiratoire est ici sur les berges du fleuve Congo. Quelle conduite internationale observer en direction des grands pollueurs du monde qui sont les pays industrialisés (pays occidentaux, Etats-Unis, Japon et Chine). Quelle est la perception du reste de l’humanité sur leur conviction qui oscille entre égoïsme et égarement ?

1-Problématisons la question
Depuis près d’un demi-siècle, l’humanité constate que le climat change de manière dangereuse pour les habitants de la Terre. La conscience universelle se déploie, avec un engagement qui traduit la mesure effective du danger. Les déclarations et prises de positions de plusieurs scientifiques et penseurs poussent les responsables des Etats à rechercher des solutions idoines pour éviter la catastrophe. Les conférences de Rio (Brésil), de Kyoto (Japon), de Copenhague (Danemark), de Durban (Afrique du Sud) et de Colombie ont bien indiqué l’ampleur du danger.
En décembre 2009, la conférence de Copenhague formule un préalable aux Etats-Unis pour qu’ils s’engagent solennellement à hâter la réponse à donner pour sauver l’humanité contre le réchauffement climatique dû à l’émission des gaz à effet de serre. Paris  2015  fut l'une des plus grandes rencontres historiques où étaient présentes les plus hautes autorités des Etats, ayant pris des engagements précis.

II-Par la philosophie, ouvrir une transcendance sur les questions de la nature (et du climat) et circonscrire l’écart entre les riches et les pauvres dans le monde

Dans toute la tradition marxiste, le rapport social entre les hommes sur le contrôle de la nature semble absorber le rapport entre l’homme et la nature, et même la nature elle-même.
La nature, c’est l’existence des choses, en tant qu’elle est déterminée selon des lois universelles (Kant). « Pour mieux commander, il faut savoir obéir », écrivait Benjamin Constant  mais obéir c'est aussi savoir renoncer à sa liberté. On n'est donc pas libre de détruire la nature au motif que l'on se sert pour atteindre un but téléologique.
 Dominer, maîtriser, contrôler et posséder la nature, en d'autres termes rendre l'homme « maître » et « possesseur » de la nature, tel est l’objet de la science selon Descartes.
 Le destin de l'homme  est  ainsi tracé car,  il sera question donc de maîtriser afin de posséder la nature. Le réchauffement climatique étant une destruction écologique montante de notre espace vital, crée « un écart croissant entre les riches et les pauvres » (Marx).

III- Ministère des eaux et des savanes : rare d’en trouver d’où  l’urgence de la préservation des eaux et des forêts devient un problème global de l’humanité

Jamais les hommes ne parviennent à parler de la fragilité de la  terre en tant que matériau fragile, sur laquelle poussent des plantes que mangent à la fois les hommes et les animaux.
Un phénomène est dit global en philosophie et certainement en droit international, quand il concerne l’ensemble de l’humanité. La planète terre contribue à « une nouvelle perception de la nature plus globale et holistique » (Kant).
 La paix (dans le monde) est une question globale, même si les troubles sont bien localisés en un endroit…,d’où l’intérêt des puissances à vouloir circonscrire les crises ou problèmes susceptibles de compromettre les équilibres nationaux ou régionaux.
La contribution de Kant sur "la paix perpétuelle des Nations" a conduit à la mise en place de la Société des nations d’abord, et à l’Organisation des Nations unies ensuite. La recherche de l’universel est devenue une hantise d’un nouvel humanisme fondé sur la science du bien et de l'intérêt général qu'est la politique (Aristote).

3-Le sommet de Brazzaville entre attentes solidaires et espérances de l'Humanité: le sens contractuel du défi de l'homme et de la nature

Le sommet de Brazzaville sera certainement ou doit être le lieu d’une  profonde prise  de la conscience de l’homme dans sa capacité à anticiper historiquement...en dessinant le destin et l'avenir de l'humanité... Le temps est donc  venu pour que les pays du bassin reformulent des options claires pour obtenir des compensations strictes consécutivement aux différentes recommandations sur la sauvegarde  et la préservation de notre écosystème. Il sera donc question de suggérer des propositions théoriques et pratiques à l’échelle de l’humanité :
   a) Les solutions des principaux sommets préconisées jusqu'alors contre le réchauffement climatique restent vagues

Les solutions préconisées contre le réchauffement climatique sont tellement générales : gestion rationnelle et intelligente des espaces forestiers, précisément des forêts du bassin du Congo et de l’Amazonie, poumons de la planète, afin de maintenir l’équilibre climatique. La définition en compréhension, c'est-à-dire à l'aide des concepts reste vague et ne contribue point à une définition  en extension afin de préciser les différentes étapes.

b) Trois propositions théoriques  au point de vue cosmopolitique pour le bien de l'humanité

 Pour ce faire, les solutions suivantes sont préconisées. Les solutions envisagées veulent dire en d’autres termes ceci, en simplifiant les choses :
1- Que la population qui trouve du feu et qui cuit ses aliments grâce  au bois de chauffe doit renoncer à moyen ou à long terme à cette technique.
2- Que la population des zones forestières réinvente en conséquence d’autres façons de produire, de faire l’agriculture  et de supprimer l’agriculture sur brûlis…
3- Que les pays ou Etats concernés requalifient autrement leur développement, en se passant, à court, moyen et long terme, relativement des  ressources de la forêt pour leur accès aux biens de consommation moderne. L’exigence prioritaire des pays africains du bassin forestier et de l’Amazonie pour éviter la fumée des discours de l’enceinte onusienne…
Pour ne pas subir seuls, les mesures de gestion rationnelle des forêts, des mesures compensatoires  doivent être envisagées immédiatement pour les deux poumons de l'écosystème mondial.

c)-Cinq propositions pratiques au point de vue universel pour une durée de 99 ans en faveur des pays du Bassin du Congo 

Que la population concernée, pour éviter de détruire les forêts pour sa suivie, soit dotée:
1- De manière gratuite d’instruments modernes de vie : réchauds à gaz, réchauds électriques et, bien sûr, du gaz, de d’électricité pour la cuisson de ses aliments. 
2- Qu’un fonds mondial pour la modernisation de l’agriculture et de l’élevage paysan soit mis en place pour les pays des bassins forestiers prioritairement ;
3- Qu’un programme cohérent de construction des cases modernes bitumées soit adopté et financé par le Programme des Nations unies pour le développement en faveur des pays du Bassin du Congo et de l'Amazonie,
4- Qu’une compensation budgétaire pluriannuelle  de l’ONU soit allouée aux pays des bassins forestiers, notamment à la République du Congo, la République démocratique du Congo, la République gabonaise, le Cameroun, la République Centrafricaine, la Guinée équatoriale ... pour maintenir leurs richesses financières issues de la manne forestière, ce, pendant deux siècles à la hauteur de 40% de leur budget ;
5- Que la transformation locale des matières premières africaines sur le sol africain ne soit plus une intention à but de propagande philanthropique à rebours … mais une vraie volonté le développement.

IV – L’origine du réchauffement  climatique c’est le mode de production capitaliste
Il faut en toute chose savoir diagnostiquer le mal et  identifier les agents coupables. Il est clair que c’est le capitalisme, dans sa toile  productiviste  arrogante et sauvage dans sa version barbare, qui  est la cause première de la destruction des forêts. La preuve, le pays qui remet en cause  l’Accord de Paris demeure bien celui de l’oncle Sam (USA).
Il est ridicule de constater que la planète est une et que Dieu n’a jamais donné de manière intangible des propriétés foncières pour une occupation exclusive sans accepter fraternellement les autres humains. Le capitalisme est la cause actuelle du désordre climatique.

V- L’Afrique pollue le moins et souffrira le plus. Que doit-on comprendre par cette affirmation ?
La chanson vient de commencer et l’air est connu d’avance : traumatiser au maximum les  Africains et leur faire supporter seul le poids de l’économie productiviste, capitaliste. Tous les médias vont  aussi en chœur annoncer ceci : «  Maintenant que la planète est menacée, il n’est plus question pour les habitants du Bassin du Congo de puiser dans les richesses de leurs forêts ». Dire autrement, souffrez de faim et mourrez pour nous tous. Ainsi, on se culpabilise et le tour est joué ! 

VI- A quand un sommet mondial pour traiter le paludisme ?

En vérité et assurément, ce n’est pas un procès d’intention contre les maîtres du monde. Le réchauffement climatique avec effet de serre n’aurait pas mobilisé autant d’énergies, si celui-ci  n'était localisé qu’en Afrique noire.  Combien de sommets annuels et mondiaux  contre le paludisme ou malaria ? Cette maladie ravage en dehors de la sphère géographique des maîtres du monde. Vérité ou erreur ?

VII- Le développement durable ou une vraie mystification idéologique

Il faudrait  peut-être désormais pouvoir dire  ministère du « Développement harmonieux »… La traduction française est une catastrophe, au départ c’est en anglais « souteinable development », alors c’est donc le développement, il y a sens à penser ainsi.
Question de bon sens : où se trouve le développement éphémère ? Il y a développement harmonieux, équilibré et non durable car rien ne peut durer dans l’absolu même pas le temps sauf que l’idée du temps est absolue, le reste est faux.

Conclusion
« La Nature a pris soin de faire en sorte que les hommes puissent vivre aux quatre coins de la terre ; elle les a dispersés par le moyen même des fruits de la discorde, la guerre, jusque dans les régions peu hospitalières ; elle les a obligés à contracter entre eux des relations juridiques » (Kant).
Il serait souhaitable que les autorités des pays du Bassin du Congo, dignement, expliquent  aux pollueurs de payer le prix  pour  nous épargner une catastrophe universelle. Les pays du bassin ne doivent pas être seuls à supporter les privations au motif qu’ils ont leur habitat dans cette véritable source respiratoire de l’humanité .

 

 

 

 

 

 

 

 

Pr Grégoire Lefouoba, philosophe, Université Marien-Ngouabi de B

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