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Quel avenir pour l’opération Barkhane ?

Lundi 2 Décembre 2019 - 10:56

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Dans le moment douloureux que vit la France avec l’hommage solennel qui sera rendu ce matin, à Paris, dans la Cour des Invalides, aux treize soldats morts la semaine dernière au Mali, cette question se pose désormais clairement. Et, malheureusement, la réponse qui lui sera apportée sera très probablement, pour ne pas dire certainement, négative même si les déclarations officielles affirment aujourd’hui le contraire

Pour comprendre ce jugement, il convient d’avoir présentes à l’esprit trois données essentielles.

1.L’espace géographique sur lequel agissent les milices islamistes est immense, donc ingouvernable sur le plan stratégique. S’étendant sur cinq pays – le Mali, le Niger, le Tchad, la Mauritanie, le Burkina Faso –, le Sahel est vaste comme plusieurs fois l’Europe, contient des zones montagneuses et désertiques qu’il est impossible de contrôler sur le plan militaire, se trouve dans un état de sous- développement économique et de misère sociale propice à tous les trafics. Des différentes régions qui quadrillent la planète, il est certainement aujourd’hui le plus instable, le moins contrôlable, le plus dangereux, ce dont les troupes françaises qui ont perdu en cinq ans quarante et un soldats morts en opération font la douloureuse expérience.

2.Ni l’Europe ni l’Afrique ne sont prêtes, quoi qu’elles en disent, à bâtir le système de défense régional qui permettrait de combattre efficacement la double agression que mènent, d’une part, les Islamistes radicaux et, d’autre part, les organisations criminelles qui prospèrent sur la déstabilisation du Sahel. La preuve en est qu’en dépit des appels lancés à maintes reprises de façon officielle et officieuse à l’Union africaine et à l’Union européenne, rien n’a bougé sur ce front, ce qui explique les propos peu amènes tenus ces derniers temps par le président Emmanuel Macron à l’égard de ses partenaires de l’Alliance Atlantique. Et l’on voit mal comment les nouvelles autorités de Bruxelles pourraient s’engager réellement au côté de la France.

3.Ce pronostic est d’autant plus juste que la France elle-même est perçue par les dirigeants des vingt-huit et sans doute demain vingt-sept pays membres de l’Union européenne comme largement responsable des drames qui se multiplient dans le Sahel. Exactement, en effet, comme les Etats-Unis qui ont provoqué un grand désordre au Proche et au Moyen-Orient en abattant l’Irakien Saddam Hussein, il y a seize ans, la France porte une lourde responsabilité dans le drame qui frappe aujourd’hui le Sahel et qui est dû pour une large part à l’assassinat du « Guide » libyen, Mouammar Kadhafi, il y a sept ans. Si son président d’alors, Nicolas Sarkozy, avait écouté les conseils que lui donnaient des dirigeants africains, elle ne serait pas enfermée aujourd’hui dans une opération militaire au Sahel qui ne peut que mal tourner.

Ajoutons pour conclure cette réflexion que l’armée française elle-même doute à ses plus hauts niveaux de l’efficacité des actions qu’elle mène au Sahel pour combattre l’extrémisme religieux. Le prix humain qu’il lui faut payer, alors même que la menace terroriste se précise sur le sol de l’Hexagone, est tel que les grognements au sein de la « grande muette » se font désormais entendre clairement. Et cette réalité, ni le président Emmanuel Macron ni son Premier ministre, Edouard Philippe, ni sa ministre des Armées, Florence Parly, ne peuvent plus l’ignorer.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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