Opinion

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Sur la faillite d’un modèle

Samedi 19 Janvier 2019 - 18:20

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Ce que démontre la révolte des « gilets jaunes » en France mais aussi la montée du « populisme » dans plusieurs pays de la vieille Europe est le fait que, loin d’être un modèle, la démocratie à l’occidentale voit surgir dans le système des failles qui pourraient bien provoquer de nouvelles révolutions à plus ou moins long terme. Non seulement, en effet, elle ne répond visiblement plus aux attentes des simples citoyens, donc de la société civile qui se sent méprisée par un pouvoir centralisé, technocratique, décalé des dures réalités de la vie quotidienne, en quelque sorte abstrait, mais encore elle fait planer le doute sur le respect des valeurs fondamentales de la République par les puissantes administrations centrales qui détiennent la véritable autorité dans ce type de régime.

Sans remonter très haut dans l’Histoire, c’est exactement ce genre de dérives institutionnelles qui provoqua en France l’effondrement de la monarchie en 1789 mais qui généra aussi l’avènement du communisme en Russie et du fascisme en Allemagne dans les premières décennies du vingtième siècle avec les ignobles drames humains qui en ont résulté. Dès lors que le pouvoir central s’avère incapable de comprendre les aspirations réelles du peuple et s’en tient à une forme de gouvernance qui nie, sans le dire ouvertement bien sûr, l’importance des institutions représentatives et des pouvoirs locaux, ce comportement ne peut que générer la révolte des plus faibles, des moins pourvus, des plus éloignés du sommet de la République.

Ce phénomène prend aujourd’hui une ampleur d’autant plus grande que la révolution numérique permet une communication instantanée entre les acteurs de la société civile  qui se trouve  elle-même au cœur de l’action des réseaux sociaux et qui, de ce fait, permet des rassemblements quasi instantanés dans la rue que les pouvoirs publics s’avèrent incapables de contrôler. Un constat que le jeune président Emmanuel Macron a fait lui-même ces dernières semaines, le conduisant à lancer tout à la fois un grand débat national et à se rendre sur le terrain, au plus près de la population, afin de convaincre celle-ci que ses doléances ont bien été entendues au plus haut niveau de l’Etat.

L’erreur que commettent aujourd’hui, à notre sens en tout cas, les démocraties occidentales et pas seulement la France qui, comme toujours, lance sans le savoir un débat planétaire, c’est de ne pas tirer les leçons du mal-être qui gagne lentement mais sûrement leur société civile. Un mal-être provoqué par l’individualisme, l’isolement, la sur-urbanisation et le manque de solidarité que ceux-ci engendrent, mais aussi par la destruction des structures traditionnelles sur lesquelles était fondée la cohésion sociale avant que la modernité s’attache à la détruire. En témoigne le fait que les « gilets jaunes » se retrouvent, en France, depuis deux mois sur les ronds-points proches des grandes villes pour échanger, parler de leurs problèmes avant de parcourir les rues de Paris, de Bordeaux, de Toulouse, de Lyon, de Marseille et autres cités en défiant les forces de l’ordre. Une soif de dialogue qu’il sera difficile de satisfaire quoiqu’en disent les autorités françaises.

De ce qui précède ressort l’idée simple selon laquelle la démocratie doit être, sinon réinventée, du moins adaptée aux us et traditions des sociétés qui l’ont adoptée ou qui ont dû l’adopter sous la contrainte plus ou moins dissimulée des puissances occidentales. Une conclusion de simple bon sens que l’on verra probablement se développer dans les mois à venir en Afrique et ailleurs et qui aura sans aucun doute des répercussions sur le débat qui s’instaure en France comme ailleurs en Europe.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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