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Côte d'Ivoire: la CPI n'a pas tout réglé

Lundi 5 Avril 2021 - 16:26

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Mercredi 31 mars, la Cour pénale internationale-CPI- a donc rendu son verdict final dans l’affaire qu’elle instruisait depuis dix ans, contre l’ex-président de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et son ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé. Les deux hommes ont été blanchis puisqu’aucune charge n’a été retenue contre eux. Pour les juges, les chefs d’accusation de crimes de guerre, crimes contre l’humanité qui pesaient sur eux se sont avérés minces et évanescents. Moralité : on ne condamne pas des innocents.

Les délibérations de la CPI ont eu des échos en Côte d’Ivoire. Chez les partisans des deux hommes désormais libres, du champagne a coulé comme on a pu le voir sur les écrans des télévisions. Une joie partagée par tous ceux et toutes celles qui portaient le deuil depuis le transfèrement de leur leader à la Haye. L’ombre de Laurent Gbagbo a effet continué à peser sur la vie politique ivoirienne à tel point que son retour au pays est envisagé par beaucoup comme un pas important vers la réconciliation nationale.  

Du côté des victimes, évidemment, la déception est à la mesure de l’espoir qu’elles fondaient de voir la justice sévir contre ceux qui à leurs yeux, du fait des responsabilités qu’ils assumaient à la tête de la Côte d’Ivoire, devaient être punis pour l’exemple. Il semble que cette bataille soit définitivement perdue pour ces hommes, ces femmes, ces enfants mutilés, pour des familles endeuillées car ainsi qu’elle avait légitimé ce procès de Laurent Gbagbo à la CPI, la clameur médiatique qui en entoure le dénouement est là pour siffler la fin de toutes les poursuites à l’international contre ce dernier.

Tout bien considéré, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé jouissent désormais du droit de regagner leur pays, et comme il serait difficile de ne pas l’envisager à leur sujet, le droit de reprendre du service en politique. En procès à la Haye ils ne se sont jamais avoués vaincus, et ce n’est pas maintenant que tout semble baigner dans l’huile pour eux, que ces hommes qui sont conscients d’être portés par leurs fidèles renoncent à ce champ dans lequel ils se sont investis à fond depuis de longues années.

Il restera néanmoins aux deux hommes de franchir l’obstacle de la justice ivoirienne, qui les a condamnés chacun, en 2018 et 2019, à 20 ans d’emprisonnement. L’ex-président pour l’affaire du « braquage » de l’Agence nationale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest en pleine crise sociopolitique en 2010-2011 ; son lieutenant pour « actes de torture, homicides volontaires et viol » commis durant la même période. Cette condamnation de l’ex-chef des Patriotes était assortie de 10 ans d’inéligibilité.

Tant que ces deux personnalités n’étaient pas libres de leurs mouvements du fait de la procédure judiciaire à la CPI, les choses paraissaient bien différentes pour les autorités ivoiriennes. La donne change radicalement avec l’acquittement prononcé en leur faveur.

Entre les rigueurs de la justice qui doivent s’appliquer aux condamnés et les réalités du terrain politique adossées à la volonté de réconciliation, la balance pourrait pencher pour la seconde hypothèse. Pour qu’elle triomphe, les deux parties devront réapprendre à se parler, à se regarder en face, à considérer que le salut passe par l’acceptation de l’autre. Ce sera un chemin long.

Gankama N'Siah

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