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Presse : l'école JA

Samedi 8 Mai 2021 - 14:30

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BBY. Lui-même et les autres abrégeaient ainsi son nom. Béchir Ben Yahmed, propriétaire de Jeune Afrique et animateur de la célèbre chronique « Ce que je crois », paraissant en ouverture du mythique journal qu’il avait lancé en 1961, a tiré sa révérence le 3 mai 2021, après de longues années passées à servir la cause de l’information. Cet homme marquera à jamais la profession, tant par son apport personnel au traitement de l’actualité que par la place gagnée dans le paysage médiatique mondial par l’hebdomadaire.

Dans les années 1980, quand nous autres, par attrait pour l’écriture, nous essayions au métier de rédacteur, notre attention fut attirée par la qualité des informations que nous lisions dans Jeune Afrique. Surtout aussi par la manière dont elles furent relayées. Sans les avoir rencontrés physiquement, nous nous familiarisions avec les principaux rédacteurs du journal. Nous ne savions pas si leur métier était aisé, s’ils étaient exempts de pressions de divers ordres et s’ils travaillaient toujours dans les meilleures conditions. Nous voyions néanmoins que chacun d’eux donnait le meilleur de lui-même pour assumer la fonction d’informer qu’il avait choisie d’exercer.    

A cette époque, cela va sans dire, les questions idéologiques étant au cœur des relations Est-Ouest, un autre titre, Afrique-Asie, en l’occurrence, semblait animer cette rivalité avec Jeune Afrique en matière de couverture de l’actualité du continent africain. Si on devait les classer suivant ces registres doctrinaux, Afrique-Asie était visiblement tiers-mondiste et de gauche, tandis que Jeune Afrique se la donnait de droite.

On disait de ce dernier aussi qu’à force de fouiner dans la cour des régimes africains postindépendances, de les prendre à revers pour leur gestion des affaires publiques présentée comme autoritaire, voire chaotique, donc nécessairement mauvaise, Jeune Afrique avait fini par trouver son compte. Convaincu de sa notoriété, de ce que son message portait, l’hebdomadaire adopta en quelque sorte le publi-info comme option pour se prémunir contre les nombreuses saisies que subissaient ses parutions et aussi, on pourrait le dire en langage pop, « moyen de vivre ». « On vit avec du génie mais on mange avec l’argent » disait un sage à son fils.

Ces considérations, ou ces incriminations n’affectaient en rien la crédibilité du journal de BBY. A l’école de celui-ci, nous nous formions en lisant et relisant les reportages et autres papiers de fond dont les signataires s’appelaient entre autres : Marcel Péju, Sophie Bessis, Philippe Gaillard, Patrick Girard, Siradiou Diallo, Sennen Andriamirado, Amin Maalouf, François Soudan. Ils vous racontaient toujours, au détail près, le déroulé d’un putsch dans tel pays, la chute d’un régime dans tel autre, le triomphe d’une junte ici, la brutalité d’un système politique, pas seulement en Afrique mais aussi dans les pays du Sud.  Il y avait aussi, cerise sur le gâteau, des textes d’une densité remarquable sur la géopolitique internationale.

Dire que des années plus tard, quand il quitta Jeune Afrique, où sa mission, entre 1995 et 1997 consistait en une assistance technique, nous faisions la connaissance de l’une des personnalités, Jean-Paul Pigasse, pour ne pas le citer. Depuis dix-sept ans, jour pour jour, à ses côtés et avec lui, nous continuons d’apprendre le traitement de l’information. Nous nous entendons dire qu’il faut aimer ce que l’on fait, et savoir servir l’intérêt général. Avec passion, mais avec humilité.

Comme si la signature BBY s’apparentait à la formule anglaise Bye-Bye ! Béchir Ben Yahmed avait le métier et l’a exercé avec régularité. Il mérite cet hommage !

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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