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Clément Miérassa, débatteur infatigable ?

Lundi 2 Juin 2014 - 0:36

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Son accent un peu glacial ne l’empêche pas de se montrer apte à défendre son point de vue en public comme dans la presse – l’homme est peut-être, parmi ses collègues de l’opposition dite radicale, le plus à l’aise devant n’importe quelle tribune. Et il le fait avec une telle opiniâtreté que l’on ne peut pas ne pas le compter parmi les acteurs en vue de l’opposition congolaise. Depuis quelques années, Clément Miérassa, statisticien de formation, est sur la piste de la contestation incessante de l’action gouvernementale. On ne sait pas, cependant, si son message porte aussi loin que cela.

Au début des années 1990, point de départ du pluralisme politique au Congo à travers la conférence nationale souveraine tenue l’année suivante, Clément Miérassa est de ceux qui créent très tôt un parti politique. Il est le compagnon de son frère de terroir et de prison Auguste-Célestin Gongarad-Nkoua. Tous deux, incarcérés quelques mois pour une affaire d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État, venaient, en effet, de bénéficier de l’amnistie prononcée par le président de la République, Denis Sassou-N’Guesso. Leur formation politique s’appelle alors le Parti social-démocratique congolais (PSDC). Le grand amour n’a pas duré longtemps, d’où la création par son vis-à-vis de l’Union patriotique pour la démocratie et le progrès.

Lors des premières élections législatives de l’ère démocratique, les urnes ne sourient pas à l’enfant de Lékana, Miérassa, pas plus qu’à celui de Ngo, Gongarad. Les deux avaient néanmoins eu le privilège de faire partie du gouvernement d’André Milongo sous la transition postconférence nationale. Membres des Forces du changement et du progrès, ils émargent plus tard à l’Union pour le renouveau démocratique, dans laquelle siègent les partis proches du plus grand d’entre eux à l’époque, le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral de Bernard Kolélas. Ils soutiennent la candidature de ce dernier au deuxième tour de l’élection présidentielle de 1992, remportée par Pascal Lissouba.

Une chose est vraie : en un peu plus de vingt ans de présence politique sur l’échiquier congolais, le PSDC n’a pas beaucoup évolué sur le plan des suffrages. Tous les scrutins passés, dans lesquels ses dirigeants font acte de candidature, lui retournent un résultat plutôt en deçà des espérances. Mais la politique, ce n’est pas baisser les bras à la première déception, c’est persévérer, durer, espérer. Ce à quoi s’emploie Clément Miérassa depuis deux décennies. Disons aussi que la politique, c’est en même temps trouver des alliés avec lesquels bâtir un projet crédible. Sur ce plan aussi, le PSDC doit encore chercher et continuer à chercher, car depuis son avènement ce parti a beaucoup prêté ses services dans des alliances et le résultat ne suit pas.

En prenant aujourd’hui la tête de ce que ses amis ont appelé, le 24 mai au moment de sa sortie officielle à l’hôtel de ville de Brazzaville, le Mouvement citoyen pour le respect de l’ordre constitutionnel, Clément Miérassa ne risque-t-il pas de répéter la série de déconvenues politiques qu’il subit depuis la fin de la conférence nationale ? Ne risque-t-il pas, quand bien même l’écho de son propos reste à répandre, de réaliser finalement qu’il aurait dû, qu’il aurait pu, en débatteur inlassable qu’il est, offrir à son pays la vision qu’il a de son avenir institutionnel ? D’autant que nombreux sont ceux qui au sein de la classe politique congolaise, dans l’opposition comme dans la majorité, trouvent la dominante présidentialiste de la Constitution du 20 janvier 2002 trop prononcée.

À la vérité, mis à part cet amour propre chez les politiques qui consiste de façon systématique à tirer la couverture à soi, le besoin est réel de doter le Congo d’un texte constitutionnel qui soit, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le plus adapté aux égoïsmes « tolérables » de ses opérateurs politiques. Jusqu’à ce que mûrisse chez le peuple, à force de pratique, la rythmique d’une réprobation collective, pacifique et argumentée de ce qui cloche dans le régime sous lequel il vit. Chacun se souvient que même la loi fondamentale du 15 mars 1992, élaborée sous la conférence nationale, à laquelle on tente de se référer de temps en temps comme la meilleure, connut une application chaotique parce que jugée « trop sophistiquée ». La formule fut du Premier ministre André Milongo. Une seconde chose est vraie : le débat en cours va durcir, il serait utile de le modérer.

Gankama N'Siah

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