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Afrique : le grand réveil de la France ?

Lundi 1 Septembre 2014 - 13:04

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Il aura fallu attendre plus d’un demi siècle pour que la France réapprenne l’Afrique ou, plus  exactement, découvre que le continent sur lequel elle avait fondé jadis sa grandeur n’est plus du tout celui qu’elle croit. Trompée par ses dirigeants qui la courtisèrent dans le seul but, ou presque, de financer leurs ambitions politiques, délaissée par ses entreprises qui redoutaient les effets négatifs d’éventuels chaos institutionnels, desservie par des médias publics et privés déconnectés de la réalité l’Afrique se trouvait  jusqu’à présent reléguée, quoi que l’on prétende à Paris,  au second plan de la diplomatie française et au tout dernier rang des préoccupations des investisseurs de l’Hexagone.

Les conséquences de cette double erreur, de cette double faute même, s’avèrent à ce point  désastreuses que la France en est réduite,  aujourd’hui, à changer brutalement de cap comme le prouvent ses interventions présentes au Mali et en Centrafrique, mais aussi et surtout comme vient tout juste de le démontrer l’Université d’été de la puissante organisation patronale connue sous le nom de Medef. Elles frappent en effet directement les intérêts vitaux de la France dans trois domaines stratégiques :

1° Sur le plan du rapport des forces entre les grandes puissances l’apathie de la France face à l’émergence de ses anciennes colonies a fortement affaibli sa position sur la scène internationale. Il suffit pour s’en convaincre de regarder comment l’Allemagne, aussitôt après s’être réunifiée, a affirmé sa prééminence en Europe en favorisant l’intégration des pays de l’Est proches de ses frontières dans l’Union européenne au détriment des relations privilégiées que la France, la Grande-Bretagne, le Portugal, l’Espagne et l’Italie entretenaient jusqu’alors avec l’Afrique.

2° Comme il était facile de le prévoir le retrait de la France a ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffrées avec un pragmatisme exemplaire de très grandes puissances comme la Chine. S’abstenant sagement de prêcher les vertus de son système politique et social à la différence des autorités françaises – voyez le désastreux discours prononcé à La Baule par François Mitterrand le 20 juin 1990 – et consacrant l’essentiel de ses interventions à la construction ou à la rénovation des grandes infrastructures Pékin a conquis en quelques années l’immense marché africain. Et ce n’est pas fini.

3° Plus tragique encore a été la série d’erreurs stratégiques commises ces dernières années lorsque la France, avec l’aide de ses alliés occidentaux , décida d’aider les Libyens à se débarrasser de Mouhamar Kadhafi, déclenchant dans toute la partie nord du continent africain un séisme dont nous ne vivons que les premières secousses. Incapable de prévoit les conséquences pourtant évidentes de cette intervention la France a scié la branche sur laquelle elle était assise depuis plus d’un siècle. Elle  a en effet projeté d’elle, à l’échelle de l’Afrique, l’image d’un pays puissant mais inconscient et donc dangereux.

De façon paradoxale pourtant, alors que ces fautes historiques devraient lui valoir le ressentiment de ses partenaires africains et fermer définitivement les portes du continent à ses entreprises, la page n’est pas tournée. Pour au moins deux raisons que voici résumées en deux phrases : d’abord parce que l’on n’efface pas en quelques mois ou en quelques années  un passé commun aussi riche que douloureux ; ensuite parce que la langue et la culture demeurent des traits d’union bien vivants que les nouvelles techniques d’information et de communication ne cessent de renforcer.

Si donc la France reconnait ses erreurs, réapprend l’Afrique avec humilité, cesse de donner à ses partenaires des leçons que son propre comportement dément, se décide à apporter au continent les savoirs et les techniques qui lui font encore défaut, défend résolument ses alliés africains dans les enceintes internationales, exige des autres grandes puissances qu’elles fassent à l’Afrique la place qui lui revient de droit dans la gouvernance mondiale alors effectivement une nouvelle ère s’ouvrira pour elle sur le continent.

C’est très précisément ce message que les entreprises françaises ont délivré tout au long de l’Université d’été du Medef. Et c’est très précisément le conseil que le gouvernement Valls 2 doit suivre à la lettre s’il veut atteindre les objectifs ambitieux qu’il s’est fixé afin de redresser une économie française en pleine déprime.

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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