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L’Identité bantoue ou les identités congolaises ?

Samedi 14 Mars 2015 - 10:30

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Faute d’écriture, l’on serait tenté de croire que la mémoire historique s’est effacée car les premiers éléments figés par la colonisation se sont révélés comme une vérité originelle, un point de départ établi. En 1900, l’administrateur colonial Charles Dechavanne prétendait par exemple que les Kongo étaient des commerçants de culture et donc propices à l’administration. Ce qui n’était pas exact, car ils étaient naturellement agriculteurs comme n’importe quel Africain et n’ont exercé une activité commerciale qu’après la traite négrière et l’établissement de nouveaux rapports avec les Portugais, donc à partir des années 1850. Les identités congolaises se sont forgées dans ce contexte d’urbanisation et de domination coloniale et plus  particulièrement en milieu urbain.

Les stratégies du colonisateur et des hommes politiques congolais se sont donc construites autour de l’argument ethnique alors que les ethnies revendiquées n’ont rien à voir avec les traditions ancestrales. Bien que d’origine politique et n’ayant pas concerné l’ensemble de la population, les massacres perpétrés lors de la guerre tribale de 1959 par exemple ont contribué à imposer à l’esprit des Congolais l’existence d’un antagonisme « ethnique » Nord/Sud.

C’est en effet, dans l’histoire coloniale et l’histoire politique récente qu’il sied de chercher les germes d’une certaine hostilité ethnique existante, au Congo. La domination française a tout d’abord contribué à construire et à renforcer les sentiments d’appartenance « ethnique ». En classifiant les populations sous leur contrôle par le biais de l’ethnologie, puis en cherchant à s’assurer du bon ordre du territoire, le colonisateur a contribué à figer des identités mouvantes et complexes.

Il existait avant la colonisation française, sur le territoire actuel du Congo, plusieurs entités politiques, parmi lesquelles le royaume téké dans une partie des régions actuelles du Pool et des Plateaux, et dans le Sud, ainsi que plusieurs royaumes issus de la désagrégation de l'empire Kongo. Les structures politiques telles l’Empire Kongo, les  royaume de Loango et téké, les chefferies du Nord ont gratifié le pays d'une grande diversité de cultures traditionnelles et partant, d'autant d'expressions artistiques anciennes : « fétiches à clous » Vili, statuettes bembés, masques particuliers des punu et des kwele, ostensoirs kota, fétiches Téké, cimetières curieux, et tombeaux monumentaux, du pays lari. Il faut  ajouter à cet héritage, un patrimoine architectural colonial inestimable.

Même si l’on persiste à penser que la culture y  est restée jusque-là le parent pauvre des investissements des différents gouvernements successifs, il convient naturellement de souligner que le pays compte un grand vivier d'artistes mondialement reconnus qui symbolisent la réalité de l’identité culturelle parmi lesquels : des écrivains, des chanteurs, des peintres sculpteurs, des cinéastes, des hommes de théâtre, etc.

Les populations congolaises cependant peuvent être objectivement distinguées en un seul groupe culturel aux attaches et aux racines profondes. C’est bien entendu le groupe « bantou » dont fait aussi partie une infime minorité du groupe autochtone, dit « pygmées ». L’identité bantoue est reconnue multimillénaire et témoigne d’une dissémination d’un peuple qui a duré des siècles, en évoluant plus moins séparément, sans vraiment se perdre de vue pour se retrouver au final.

Il est frappant de constater après une observation minutieuse que les coutumes, les langues, les mythes des peuples bantous sont beaucoup plus identiques qu’on ne pourrait le penser. Il suffit de maîtriser  les clés linguistiques différentielles des Congolais pour assimiler et comprendre toutes les langues du Congo et se rendre compte que finalement tous ne parlent au fond qu’une seule et même langue, le bantou.

C’est un peuple très ancien, déjà remarqué sous l’antiquité, nommé peuple protobantou dans la région des Grands lacs et la vallée du Nil à la conquête et reconquête du monde. On a même retrouvé ses traces dans la linguistique de divers peuples lointains dans l’Antiquité. N’est-ce pas en définitive, notre ignorance historique qui nous éloigne de notre réalité millénaire ?

Ferréol Constant Patrick Gassackys

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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