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Démocraties africaines : problèmes de fond

Samedi 18 Juillet 2015 - 13:30

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On se croirait au début des années 1990 du siècle dernier, lorsque le vent de la Pérestroïka couplé au discours de la Baule poussa à l’organisation de conférences nationales souveraines (CNS), porteuses de changement de régimes en Afrique subsaharienne. Avec des fortunes diverses, les pays qui s’engagèrent sur cette voie ouvrirent, pourrait-on dire, une nouvelle page de leur histoire, pourtant sans s’en tirer tous à bon compte : Le Benin, bien sûr, réussit à faire fructifier sa constituante ; l’ex-Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo, ne fit guère mieux, sa CNS n’ayant été menée à son terme ; sa voisine, la République du Congo, sortit grandie de l’épreuve avec une alternance saluée à travers le monde. Pour ne citer que ces trois pays, sachant aussi qu’en dehors d’eux, le Gabon eut une conférence au retentissement tout à fait différent.

Depuis plusieurs mois, telle une traînée de poudre, le débat sur l’avenir des lois fondamentales prend de l’ampleur dans certains pays africains. Il serait hasardeux, de mauvaise foi même, d’aborder le présent sujet en globalisant les choses, en faisant croire que du Nord au Sud, d’Est à l'Ouest, l’Afrique est une entité unique. De par son histoire, d’ailleurs, cette lecture n’aurait pas de chance d’être pertinente au regard de nombreuses particularités observées d’une région à une, d’un pays à un autre du continent. Mais posons-nous, au moins, la question de savoir si les soubresauts qui font l’actualité sur le sujet ne sont pas en partie la conséquence de l’inadaptation des modèles importés d’ailleurs, qui seraient inadaptés au contexte des pays dans lesquels ils ont cours ; ou s’ils ne sont pas simplement la résultante d’une certaine inaptitude des classes politiques africaines à épouser le régime pluraliste qu’elles se sont choisi il y a plus de deux décennies.

Modèles inadaptés : ne faisons pas injure aux intelligences qui se réunirent au Benin, en 1990, pour mettre en place une alternance citée en exemple de nos jours. De Mathieu Kérékou à Thomas Boni Yayi, en passant par Nicéphore Soglo, le pays du Vaudou s’est adapté au choix qu’il avait opéré d’accorder aux urnes la primauté de désigner les successeurs à la présidence de la République. D’où ce pays tire-t-il expérience ? En particulier du génie de son peuple, mais aussi de la qualité des hommes d’Etat placés à sa tête, mais sans doute aussi, est-ce peut-être une méprise de notre part ?, d’une certaine culture sociétale qui ne fait pas de la politique l’unique planche de salut pour les hommes et les femmes qui ont fait l’école et attendent tout de l’indéniable corruptible pouvoir public. Cerise sur le gâteau : les anciens présidents béninois résident tous dans leurs pays !

Au sortir de sa grand-messe nationale, le Congo tenait tête au Benin : une alternance tranquille se produisit, qui donna lieu à une avalanche de messages de félicitations adressés aux présidents entrant et sortant par diverses autorités politiques et personnalités internationales. Quand vint le moment de mettre en œuvre la Constitution du 15 mars 1992, les choses se gâtèrent. Il fut question, d’après le choix fait à travers ce texte de régime semi-présidentiel « à la française », avec sa préférence pour la haute culture du partage désintéressé du pouvoir (elle autorisait la cohabitation) de laisser gouverner le pays par une majorité parlementaire dont le président élu, mis en minorité, n’aurait pas le contrôle. Entre nous, il fallait encore longtemps pour en arriver à ce but, d’autant que les forces soutenant le nouveau président ne pouvaient le supporter politico-culturellement parlant. Pourtant cette loi fondamentale, qualifiée dorénavant de « sophistiquée » par certains politiques, donc inadaptée, fut votée par une écrasante majorité des Congolais. Que dire des suites de la non-application de ce texte, du désordre qui en fut le couronnement, des exclusions qui l’accompagnèrent ?

Inaptitude des politiques, justement : ce n’est pas que les politiques d’ici ou d’ailleurs, en Afrique, manquent de charisme. Non, au contraire, ils en possèdent énormément qu’ils sont toujours suivis par tant de foules qui les accompagnent dans leurs réunions publiques. Mais ils ont en défaut certainement de convertir ces charismes en des volontés politiques de rassemblement autour des questions que se posent leurs peuples au quotidien. Ce n’est pas seulement, comme on l’entend souvent, l’eau, l’électricité, l’éducation, la santé, le vêtir et le manger, besoins primordiaux bien entendu. Ce sera aussi de procurer à leurs compatriotes un cadre législatif et juridique qui, tout en leur procurant les biens de première nécessité, s’adaptent à une culture de partage, de dialogue qui surclassent les partis politiques fondés sur les bases que l’on sait politiquement précaires. Le partage ? Il n’est pas évident que les lois fondamentales que plusieurs pays africains se sont données depuis vingt-ans aient résolu ce problème, et qu’elles aient à cœur de faire que ce partage, s’il est consacré, ne s’interpose pas contre le pouvoir judiciaire pour se muer en culture de l’impunité. « Partager et punir ? », tel pourrait être le contrat entre bien d’autres pour avancer vers le développement.

Gankama N'Siah

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