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Vers la disparition du franc CFA ?

Samedi 9 Avril 2016 - 13:53

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La question, bien sûr, ne figurait pas, officiellement du moins, au sommaire de la conférence des ministres de la Zone franc qui s’est tenue samedi à Yaoundé. Et pourtant elle se trouvait bien inscrite en lettres de feu dans l’esprit des hautes personnalités qui représentaient, au cœur de la capitale du Cameroun, les quinze pays membres des communautés économiques et monétaires de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique centrale, ainsi que le ministre français des Finances, Michel Sapin. Car l’existence du franc CFA, cette monnaie créée il y a soixante-dix ans, est de plus en plus contestée par les Etats africains en quête de fonds pour accélérer leur marche vers l’émergence.

Au cœur d’un débat qui ne dit pas encore vraiment son nom se trouvent trois questions fondamentales.

La première concerne le gel, dans les caves de la Banque de France, à Paris, de l’essentiel des réserves de change qui garantissent, en principe, la parité du franc CFA avec l’euro. Bien que l’on ne connaisse pas les chiffres exacts de ces dépôts ceux-ci sont évalués par différents experts à quelque 13.000 milliards de francs CFA, soit plus de 90 % des réserves monétaires des pays membres. Un véritable trésor dont l’utilisation au moins partielle apporterait aux pays concernés l’oxygène financier qui leur fait cruellement défaut dans le moment présent et qui oblige les Etats à s’endetter au-delà du raisonnable alors que les cours des matières premières baissent dangereusement sur les marchés mondiaux.

La deuxième question, toute aussi fondamentale mais infiniment plus délicate sur le plan diplomatique, concerne l’endettement croissant de la France dont la dette publique dépassera à la fin de cette année 97 % du produit intérieur brut et dépassera les 100 % de ce même PIB en 2026. Un dérapage continu sur lequel l’Union européenne ne cesse d’attirer l’attention des autorités françaises car il pourrait provoquer, à terme plus ou moins rapproché, un défaut de paiement ; faillite que ces mêmes autorités pourraient être tentées de compenser en puisant dans les réserves de change des pays africains, ce qui provoquerait à coup sûr un séisme dans la sphère diplomatique.

La troisième question concerne les contraintes qui naissent d’un système monétaire calqué sur la politique des pays européens et qui, selon de nombreux  experts africains, freine ou empêche la création de véritables communautés économiques et financières en Afrique de l’ouest comme en Afrique centrale. Alors que l’intégration régionale devrait être le principal ressort du développement durable  le lien de sujétion qui lie le franc CFA à l’euro est considéré, sans doute à juste titre, comme une sorte de sujétion qui ne dit pas son nom, mais qui perpétue sans le dire une forme de colonisation dont les économies africaines subissent le poids.

Au-delà de ces questions qu’il faudra bien aborder de front un jour ou l’autre les dirigeants africains ont en tête le cataclysme économique que provoqua, le 11 janvier 1994, la dévaluation du franc CFA par le gouvernement français que dirigeait Edouard Balladur. Alors que nombre d’entre eux se trouvent aujourd’hui confrontés à d’inquiétantes fluctuations des cours de leurs matières premières l’évolution négative de l’économie française leur fait redouter le pire. D’où l’idée, qui fait son chemin, d’une remise à plat du système instauré à la veille des indépendances avec, par exemple, la création de monnaies propres aux communautés régionales existantes – Cedeao et Cemac –, ou l’alignement du franc CFA sur un « panier de monnaies » constitué autour du dollar américain, de l’euro, du yuan chinois.

Même si personne ne veut lancer publiquement le débat il semble, au final, que les jours du franc CFA dans sa forme présente soient comptés.

 

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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