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Mieux vaudrait rendre à César …

Samedi 22 Octobre 2016 - 19:00

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Si l’on en croit les écrits des Evangélistes qui relatèrent sa vie (1) Jésus répondit un jour aux Pharisiens qui l’interrogeaient sur le fait de savoir s’il fallait ou non payer les impôts romains, autrement dit respecter les lois édictées par l’autorité séculière : « Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Une formule aussi simple que précise qui fonde depuis près de deux mille ans, sur les cinq continents, les relations entre la puissance publique et les autorités religieuses.

Alors que le Congo fait face à la nouvelle flambée de violence que provoque dans une partie du département du Pool la folie meurtrière de celui qui se fait appeler de façon symbolique « Pasteur Ntoumi », il n’est pas inutile de rappeler à ceux qui seraient tentés de l’oublier ce principe fondateur de la démocratie. Et tout particulièrement, bien sûr, aux évêques catholiques qui, réunis il y a une semaine à Brazzaville dans le cadre de la Conférence Episcopale du Congo, ont paru oublier ce principe fondateur des rapports entre l’Eglise et l’Etat.

Nous savons bien qu’un semblable propos soulèvera dans le milieu concerné une vague de critiques indignées et pourtant nous n’hésitons pas un instant à le formuler.

Pour les trois raisons que voici.

  1. Les années qui viennent de s’écouler ont montré qu’un dialogue avec les « fous de Dieu » est impossible au sens propre du terme, chez nous comme ailleurs. Contrairement, en effet, à ce qui est écrit dans le message des évêques, l’Etat a fait du « dialogue » la pierre angulaire du retour définitif de la paix dans cette partie du Congo que ravagea la guerre civile en 1997 et 1998 ; il était même allé jusqu’à confier dans cette optique à Frédéric Bintsamou, auteur de violences extrêmes y compris contre des prêtres et des religieux, des fonctions officielles au sein de la gouvernance publique, ce qui ne s’était jamais vu nulle part ailleurs dans le monde. L’Etat a donc indiscutablement et au plus haut niveau pris « ses responsabilités de garant de la paix et de l’unité nationale » ; affirmer le contraire comme semble le dire le message des évêques relève soit d’un vocabulaire inapproprié, soit d’une inquiétante mauvaise foi.

 2. Invoquer le Jubilé de la miséricorde pour exiger de ce même Etat qu’il libère des hommes qui ont, semble-t-il, violé les lois de la République lors de la campagne pour l’élection présidentielle et qui, de ce fait, sont très logiquement en attente de jugement devant les tribunaux congolais revient à nier les principes qui fondent l’Etat de droit. Si le gouvernement de la République a commis une erreur ou un abus de pouvoir en emprisonnant ces personnalités c’est à la justice de le dire, non aux autorités de l’Eglise catholique. Chercher comme le font celles-ci à s’immiscer dans la conduite des affaires publiques est commettre – à notre sens en tout cas – une erreur qui ne reflète certainement pas la position du Vatican en général, du Pape François en particulier. Cela rappelle de façon douloureuse les dérives de toute nature qui accompagnèrent les années de plomb vécues par les citoyens congolais au lendemain de la Conférence nationale souveraine de 1991.

3. La position adoptée par la Conférence épiscopale est d’autant plus choquante que depuis toujours l’Etat aide l’Eglise catholique  congolaise. Sans jamais se formaliser des prises de position pour le moins discutables que certains de ses évêques ou de ses prêtres adoptaient sur différents plans, la puissance publique en général et la présidence de la République en particulier n’ont jamais cessé de soutenir les initiatives religieuses. Que ceux qui l’ont oublié contemplent donc, en plein cœur de Brazzaville, la flèche de la Basilique Sainte Anne ou l’imposant bâtiment qui abrite aujourd’hui l’Association des conférences épiscopales de la région d’Afrique centrale (ACERAC) ; et, sans entrer dans le détail, qu’ils s’interrogent aussi sur ce qu’il adviendrait des moyens de communication de l’Eglise dans cette partie de l’Afrique si une aide significative ne leur était pas apportée par des biais divers et sans la moindre contrepartie.

Au vu de ce qui précède le meilleur conseil que l’on puisse aujourd’hui donner à ceux qui, au sein même de l’Eglise catholique, tentent imprudemment de faire de la religion un instrument  politique est bien celui que porte la phrase prononcée il y a deux mille ans par le Christ lui-même : « Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ».

 

  1. Marc, XII, 13-17. Matthieu, XXII, 21, 21. Luc, XX, 25.
Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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