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Réalisme façon Kenya

Samedi 19 Août 2017 - 16:30

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Une fois encore, Raila Odinga n’a pas réussi à inverser le cours des choses pour devenir président du Kenya. Les résultats de l’élection présidentielle du 8 août, qu’il a du reste fortement contestés, l’ont donné perdant avec 44, 92 % des voix, contre 54,19 % au chef de l’Etat sortant, Uhuru Kenyatta qui rempile pour les cinq prochaines années. En 2013, il l’avait emporté sur son adversaire « historique » sur le fil (50,07% contre 43,31%), alimentant comme cela est de coutume dans beaucoup de pays africains, des soupçons de fraude dans le camp de l’élu.

Odinga a donc été candidat à la fonction suprême en 1997, en 2007, en 2013 et cette année. Sans succès. Mais de toutes ces participations, celle de 2007 a marqué les esprits sur place au Kenya et au-delà de frontières de ce pays, en raison des violences qui avaient alors suivi la contestation des résultats par ses partisans. Le bilan officiel relevait 1500 morts et quelque 300 000 déplacés. Ironie des chiffres, cette année-là, le candidat malheureux accusait son adversaire, l’ancien président Mwai Kibaki (vainqueur du scrutin) d’avoir fraudé sur 300 000 voix.

Avant la présidentielle du 8 août, la presse étrangère notamment prédisait le caractère explosif de ce rendez-vous électoral en s’appuyant sur les antécédents qui existent entre les camps des deux candidats les plus en vue. Elle a eu raison en partie puisque des mouvements de populations ont été signalés, quelques cas de personnes mortes suite aux violences aussi. Mais l’ampleur de ces manifestations n’est pas à comparer avec celle d’il y a dix ans. Il est certain qu’une fois passé le sentiment d’injustice chez eux, ceux qui disent avoir perdu l’élection du fait des fraudes rangeront leurs gourdins pour reprendre une vie normale.

En tout état de cause, Raila Odinga a préféré ne pas suivre les appels de certains de ses partisans qui, comme on les a vus s’exprimer à la télévision, juraient sur tous les dieux être prêts à mourir pour la cause. Si cela devait lui aliéner le soutien de « jusqu’au-boutistes », il n’aura pas à rougir d’avoir épargné les vies de ses paisibles compatriotes. Très souvent, ils ne sont pas toujours les mieux lotis quand a lieu le partage du gâteau. Les mêmes qui lui déclarent un soutien indéfectible et attendent, déterminés, qu’il lance les hostilités peuvent aussi être les premiers à le prendre à partie quand les violences verbales se muent en violences meurtrières.

En politique, on peut parfois être prisonnier de sa base. Le courage consiste, même contre l’avis de celle-ci, à dire la vérité en cas de victoire ou d’échec. Le réalisme consiste à prendre la décision qu’il faut en toute conscience, et bien souvent celle qui ne soit pas la plus consommatrice en vies innocentes. Et tout cela a besoin de tact. D’où le temps mis par Raila Odinga pour se prononcer sur le sort de la présidentielle qu’il conteste : s’adresser à la cour constitutionnelle. Dans sa langue maternelle, le Luo, on l’appelle Agwambo, « Le mystérieux ». Ses fidèles peuvent se rendre à l’évidence.

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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