Implosion ?

Que l'afflux des migrants vers ses côtes méditerranéennes provoque au sein de l'Union européenne des frictions qui pourraient elles-mêmes générer l'implosion de cette vaste et très riche communauté n'a rien de surprenant. Tout au long des dernières années, les dirigeants africains, les médias, les organisations non gouvernementales ont tiré la sonnette d'alarme sans jamais être entendus. Et tout naturellement, le flux des migrants a enflé au point de devenir l'un des problèmes humanitaires les plus graves auxquels l'Europe ait jamais été confrontée.

L'affrontement désormais clairement affiché auquel se livrent à ce propos l'Italie, la France, l'Allemagne et les pays de l'Est risque, à très court terme, de provoquer une rupture que les peuples européens paieraient au prix fort. Se combinant avec le Brexit, c'est-à-dire le retrait de la Grande-Bretagne et la montée des nationalismes dans plusieurs pays membres de l'Union, il ferait, s'il se confirme, voler en éclats l'ensemble que la Vieille Europe a eu tant de mal à édifier au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

D'aucuns diront que rien n'est jamais écrit par avance et que, par conséquent, les tenants du rejet brutal des migrants seront forcés, un jour ou l'autre et plus tôt qu'on ne le pense, d'assouplir leur position en se ralliant aux propositions nettement plus modérées que formulent le président français, Emmanuel Macron, et la chancelière allemande, Angela Merkel. Mais les signaux envoyés depuis Rome, Varsovie, Bucarest, Vienne ou Budapest vont dans le sens contraire, au point de laisser craindre une rupture brutale des liens si patiemment tissés dans les décennies précédentes.

Le sommet qui réunira dans les prochaines heures, à Bruxelles, les dirigeants des vingt-huit pays membres de l'Union, dira qui, des pessimistes ou des optimistes, a raison. Mais quelles que soient les conclusions auxquelles il aboutira, la question de l'accueil des migrants ne pourra être résolue que si la communauté européenne dans son ensemble décide de s'attaquer aux racines du mal, c'est-à-dire le sous-développement et la misère qui font affluer aujourd'hui vers l'Europe des centaines de milliers et demain sans doute des millions d'êtres humains en quête de sécurité.