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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : le 28 novembre 1958, naissance de la République du Congo

Jeudi 15 Novembre 2018 - 20:27

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Deux ans après la naissance de la République du Congo, au moment de son accession à l’indépendance, une bataille juridique épique eut lieu entre les deux Congo. C’est Stéphane Tchitchelle qui en parle le mieux. Dans son discours, le chef de délégation congolaise à l’ONU, à l’occasion de l’admission de la République du Congo dans cette organisation (23 septembre 1960), déclarait : « Le 28 novembre 1958, naissait notre jeune Etat, notre République du Congo ; c’était l’avant-dernière étape du parcours de décolonisation amorcée par le général de Gaulle lors de la Conférence de Brazzaville en 1944 ».

Or, en face, il y a deux ans, le Congo belge connaissait toujours le même régime colonial sans la moindre modification, et les autorités de ce territoire songeaient seulement à y organiser des élections au niveau de communes rurales.

Sans tenir aucunement compte de cette antériorité indiscutable, le président du Mouvement national congolais, j’ai nommé Patrice Lumumba, manifestait dès le début de 1960 l’intention de donner à tout ou partie du Congo, dès son indépendance, le titre de la République du Congo. Voyant la menace se dessiner, notre président saisissait, dès le 20 avril, le président de la Communauté de cette question en vue de consolider auprès des organisations internationales l’appellation constitutionnelle de « République du Congo ».

Dans le même temps, nous étions reconnus comme tels, par les organismes internationaux, en particulier le Bureau international du travail (BIT) et l’Organisation mondiale de la santé.

Tout ceci n’empêche pas le gouvernement de l’ex-Congo belge de décider, le 26 juin 1960, lors d’un conseil des ministres, et non pas, je le souligne, par le vote de l’Assemblée, de donner le nom de République du Congo à ce pays. Nos positions, notre existence, nos droits étaient ignorés et les relations que nous désirions toujours fraternelles avec nos voisins auxquels tant de liens nous unissent, commençaient par une agression morale de leur part.

Le 28 juin, Monsieur le président adressait à M. Kasa Vubu un télégramme ainsi conçu : « Mon gouvernement s’oppose donc formellement à votre proposition. Il est convaincu qu’en raison des liens fraternels et d’amitié qui doivent présider à nos relations, le gouvernement de Léopoldville se fera un devoir de reconnaître nos droits définitivement acquis à cette appellation ».

 Le même télégramme fut adressé au Premier ministre Lumumba ; le tout fut sans réponse. Le même jour, notre Assemblée, en sa résolution n°2-60, protestait contre le geste discourtois du gouvernement de l’ex-Congo belge qui a décidé unilatéralement de choisir comme nom de son Etat celui qui appartenait déjà à notre République. Toutes ces protestations, les nôtres, celles du président de la Communauté, restèrent sans effet. Lorsque le Conseil de sécurité, en sa séance du 23 août, a décidé à l’unanimité de reconnaître à l’Assemblée générale l’admission de notre pays au sein des Nations unies, il l’a fait sous le nom de « République du Congo ». Cependant, par voix de son président, il exprimait en même temps le vœu de voir les deux République du Congo résoudre, avant le 20 septembre, date de la réunion de l’Assemblée générale, le problème de leurs appellations respectives.

« … J’ai fait contacter M. Justin Bomboko, ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Léopoldville, et l’ai invité à venir examiner avec moi à Brazzaville, la question des appellations respectives de nos pays. M. Bomboko a laissé sa réponse jusqu’à samedi soir : il refusait de venir. L’ambassade de France à Léopoldville, terrain neutre, s’étant entremise, s’offrait à ménager une entrevue entre M. Bomboko et moi-même à l’occasion d’un déjeuner… J’ai cru devoir accepter de faire le premier pas et je me suis rendu à l’ambassade de Léopoldville, lundi dernier, à 12h30. Au cours du repas, j’ai essayé d’engager la conversation sur le problème qui nous préoccupe mais sans résultats. M. Bomboko faisait des difficultés pour me répondre avant 15 h. Ce fut pour m’entendre dire alors que le gouvernement de M. Lumumba n’avait pas l’intention et n’estimait pas nécessaire de modifier l’appellation donnée à l’ex-Congo. M. Bomboko a refusé d’admettre nos droits acquis antérieurement et a estimé qu’en droit international, l’antériorité de la République du Congo ex-belge était manifeste puisqu’elle avait accédé à l’indépendance le 30 juin, alors que notre pays n’avait acquis sa pleine souveraineté que le 15 août, ce que le Conseil de sécurité avait entériné le 7 juillet pour l’ex-Congo belge et le 23 août en ce qui concerne notre pays ». Las des tergiversations de Lumumba, Premier ministre de l’autre Congo et de Justin Bomboko, son ministre des Affaires étrangères, Stéphane Tchitchelle déclara à la tribune des Nations unies : « La Nation que j’ai l’honneur de représenter ici et qui répond à l’appellation République du Congo a pour capitale Brazzaville ».

Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

 

 

 

 

Mfumu

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