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Congo-France : le temps est venu de mettre fin aux malentendus

Lundi 6 Juillet 2015 - 11:46

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À la veille de l’entretien qui permettra –  du moins faut-il l’espérer –  à François Hollande et à Denis Sassou N’Guesso de dissiper les malentendus qui  perturbent dangereusement les relations entre le Congo et la France, il n’est pas inutile, me semble-t-il, de rappeler les liens très particuliers qui existent depuis fort longtemps entre les deux pays. Qu’on le veuille ou non, en effet, ce qui s’écrit sous nos yeux est une nouvelle page d’une longue histoire commune qui connut bien des hauts et des bas, mais qui a tissé entre les deux nations des liens puissants que ne sauraient défaire les tensions présentes.

Débutée il y a près de cinq siècles, lorsque les navigateurs portugais et français se lancèrent à la découverte du Golfe de Guinée, cette histoire a vu s’accomplir de terribles crimes avec la traite négrière qui dévasta l’Afrique centrale, provoqua la déportation de millions d’hommes, de femmes et d’enfants, généra des tragédies sans fin sur toute l’étendue du Bassin du Congo. Mais elle s’est poursuivie avec l’arrivée de Pierre Savorgnan de Brazza qui, à la fin du dix-neuvième siècle, sut nouer avec le peuple congolais des relations d’amitié et de confiance, fondées sur le respect mutuel, ce qui lui a valu, fait unique dans le monde, d’être enterré un siècle plus tard en plein cœur de la grande cité qui porte son nom et qui fut longtemps la capitale de l’Afrique Équatoriale Française.

Survint ensuite la double et terrible épreuve que furent pour les Français les deux Guerres mondiales successives, épreuves qu’ils surmontèrent pour une large part grâce à l’Afrique en général, au Congo en particulier. Est-il possible d’oublier que durant le premier conflit, les combattants africains furent au premier rang de toutes les batailles menées contre les troupes allemandes et que, durant le second, c’est à Brazzaville, devenue capitale de la France Libre, que le Général de Gaulle lança l’opération qui devait lui permettre, deux ans plus tard, de contribuer de façon décisive à libérer l’Europe du joug nazi qui pesait sur elle depuis 1940.

L’heure de l’indépendance venue, en 1960, le Congo n’a pas mis un terme aux relations privilégiées qui l’unissaient à la France. Alors même qu’il se dotait d’un régime politique qui aurait pu faire de la rupture avec l’ancienne puissance coloniale un symbole de sa liberté retrouvée, il a veillé, bien au contraire, à ce que les relations entre les deux pays demeurent étroites, confiantes, fraternelles. Et l’homme qui le gouverne aujourd’hui, Denis Sassou N’Guesso, n’a pas cessé d’agir dans ce sens depuis qu’il gère le Congo, intervenant au côté des autorités françaises, chaque fois que celles-ci le souhaitaient, dans les moments difficiles qu’il lui arrivait de traverser.

Aujourd’hui, alors que les malentendus se multiplient entre les dirigeants et qu’un fossé se creuse entre les deux pays, pour des raisons difficilement compréhensibles qu’il faudra bien élucider un jour, le rappel de ce long passé n’est pas inutile. Car, les années à venir s’annoncent aussi difficiles qu’incertaines, pour le Congo comme pour la France, en raison des crises qui se multiplient dans cette partie du monde. Et rien ne serait plus grave, dans un tel contexte, que de distendre les liens multiséculaires qui unissent les deux peuples.

Contrainte d’intervenir sur le terrain alors même qu’elle voit ses moyens diminuer d’année en année, la France ne peut agir efficacement que si elle s’appuie sur des partenaires sûrs. Le Congo, quant à lui, ne peut espérer poursuivre sur la voie de l’émergence dans laquelle il s’est engagé avec succès au lendemain des guerres civiles de 1993-1994 et  de 1997-1998 que si la stabilité de l’Afrique centrale tout entière se renforce au lieu de s’affaiblir. Pour être tout à fait clair, l’intérêt bien compris des deux États est bien de travailler ensemble en effaçant les malentendus absurdes qui créent entre eux un climat délétère.

Qu’il nous soit permis d’émettre ici l’espoir que Denis Sassou N’Guesso et François Hollande trouveront demain, lors de leur tête-à-tête, au Palais de l’Élysée, les mots qui permettront de restaurer un climat de confiance entre deux pays que l’Histoire a intimement liés.

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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