Opinion

  • Tribune libre

La baisse du prix du baril du pétrole sur le marché international : quelles conséquences sur l’équilibre du budget de l’État au Congo?

Samedi 7 Février 2015 - 11:34

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


La tendance baissière du prix du baril de pétrole, observée sur le marché international au cours de l’année 2014 et qui semble se confirmer en 2015, risque de remettre en cause l’équilibre du budget des États dont le pétrole est la principale recette, si les mesures essentielles ne sont prises à temps.

En effet, le prix du baril du pétrole est passé de 108,12 $ en janvier 2014, à 62,20 $ en décembre 2014. Soit une baisse de 43,8% sur l’ensemble de l’année. Elle se poursuit en janvier 2015 avec 47,71$ le baril, malgré la légère remontée du prix à 51,75$ le baril en ce début de février 2015. Ce prix est toutefois loin des 118,8 $ le baril tel qu’atteint en juin 2014.

Au Congo, pour l’exercice 2015, le Gouvernement a arrêté un budget de 3. 639. 834.000.000 de Francs CFA en recettes et de 3.453.030 000.000 de Francs CFA en dépenses, pour un excédent de 186.804.000.000 de Francs CFA. Ce budget a été élaboré sur la base du prix du baril de pétrole de 70$ pour des recettes pétrolières représentant 48,70% du total des recettes contre 70% en 2014. Les 51,30% autres recettes de l’État proviennent des activités non pétrolières. Ce budget vient d’être révisé à la baisse et adopté par le Parlement, le 22 décembre 2014, en recettes et dépenses à 3.069.750.000.000 FCFA.

Dans la situation actuelle, le manque à gagner par baril de pétrole, exprimé par la différence entre le prix réel sur le marché international et le prix prévisionnel retenu par les autorités congolaises est de l’ordre de 18,25$. Il génère un déficit total d’environ 389.759.579.000 Francs FCA.

Et si la tendance baissière se poursuivait ?

Une nouvelle révision du budget de l’État s’imposera dans quelques mois, à moins que les autorités utilisent une partie des excédents budgétaires accumulés depuis ces dernières années pour résorber les déficits conjoncturels. Le budget du Congo qui a presque triplé en passant de 1.300 milliards en 2007 à 3.800 milliards en 2014 et à environ 3.070 milliards de Francs CFA en 2015, a permis de dégager des excédents cumulés s’élevant, selon les sources, à plus de 200 milliards de Francs CFA. Ils seraient destinés à financer la diversification de l’économie et à investir dans un fonds souverain pour assurer la prospérité des générations futures.

Cette solution d’autofinancement des déficits budgétaires conjoncturels est d’autant pertinente que la diversification des activités économiques qui devait réduire la dépendance du budget de l’État vis-à-vis de la rente pétrolière, et contribuer à améliorer ses recettes, tarde toujours à produire les effets escomptés ; et que le développement du fonds souverain tarde lui aussi à se mettre en place, malgré la création de la banque d’investissement, depuis 2013, chargée de le valoriser. Les difficultés liées à la diversification de l’économie et au développement du fonds souverain sont les manifestations du syndrome hollandais (« Les Dépêches de Brazzaville» n°2127 du 2/10/2014 p.4), selon lequel, tout pays bénéficiaire de rentes étant moins incité à réaliser des réformes économiques est sujet à rencontrer des distorsions de prix relatifs qui pénalisent la production de biens échangeables.

Comme en 1984…

Par ailleurs, la solution classique qui consiste, pour les pays pétroliers, à augmenter la production pétrolière pour compenser la baisse du prix du baril sur le marché international, n’est pas pertinente aujourd’hui. Car, la crise pétrolière actuelle est due par une offre de pétrole trop importante sur le marché international par rapport à la demande. Dans le cas du Congo, les réserves pétrolières s’épuisant d’année en année, l’augmentation conjoncturelle de la production n’est plus possible. Les estimations les plus optimistes ne prévoient que 270.000 barils par jour d’ici à 2020 contre 300.000 barils par jour en 2013.

Cependant, face à la crise pétrolière actuelle, les autorités congolaises semblent être mieux armées pour éviter l’échec de leurs programmes d’activités comme celui qui frappa, dès 1984, le plan quinquennal 1982-1986 à la suite d’une semblable baisse spectaculaire du prix du baril de pétrole. La baisse du prix du baril de pétrole de 1984 qui ne fut pas compensée par des excédents budgétaires nationaux entraîna le pays dans une austérité financière, puis dans des programmes d’ajustement structurel aux effets délétères, imposés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, et précipita la Nation dans des réformes politiques, engagées dans l’urgence de la Conférence nationale souveraine de 1991 dont la guerre civile de 1997 fut la triste issue fatale.

Ainsi, la chute du prix du baril du pétrole révèle la fragilité de l’équilibre budgétaire de l’État, liée au déséquilibre structurel de l’économie du Congo. Les autorités peuvent résorber les déficits budgétaires conjoncturels qui en résultent, en utilisant au mieux les excédents budgétaires accumulés durant ces dernières années. L’accélération des réformes liées à la diversification de l’économie s’impose pour rompre la dépendance du budget de l’État vis-à-vis de la rente pétrolière, et favoriser l’émergence d’une économie durable qui améliore au  moindre coût, le bien être des générations actuelles, sans compromettre le bien être des générations futures.

 

 

 

Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestio

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Tribune libre : les derniers articles