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L’Afrique peut-elle relever le défi de l’extrémisme ?

Samedi 14 Février 2015 - 9:54

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Plus les jours passent, plus il devient évident que l’Afrique se trouvera confrontée, dans les années à venir, aux crises régionales récurrentes que génère la combinaison explosive d’extrémismes religieux, de trafics en tout genre, de tensions politiques et sociales, de convoitises extérieures. Ceci alors même que le continent accélère sa marche vers le développement durable avec une poussée démographique constante, une exploitation rationnelle de ses ressources naturelles, l’émergence de classes moyennes ambitieuses, un taux de croissance économique élevé.

D’où la question suivante qui ne tardera pas à s’imposer comme la plus importante pour les peuples qui vivent sur ce continent : l’Afrique peut-elle gérer les crises qui se multiplient avant que celles-ci ne bloquent le bond qui la projette en avant ?

Disons d’emblée que ce ne sera réellement le cas que si les Africains eux-mêmes s’organisent pour combattre les mauvais démons qui les menacent aujourd’hui. Croire que des interventions extérieures comme celles que mène présentement la France au Sahel ou en Centrafrique la préserveront durablement est une illusion qui risque de lui coûter cher car ces actions ne résoudront durablement aucun problème même si elles permettent de relâcher un instant la pression. À terme, sans doute très rapproché, le poids militaire et financier de ces interventions s’avèrera tel qu’un retour en arrière sera inévitable avec comme conséquence immédiate l’aggravation des tensions sur le terrain.

Ajoutons à ce qui précède, quitte à nous répéter une fois de plus, que la solution de rechange présentée par le déploiement d’unités militaires constituées par la communauté internationale via l’Organisation des Nations unies ne peut qu’aggraver le mal au lieu de le combattre. On en a une preuve accablante avec la Monusco, installée depuis plus de quinze ans en République démocratique du Congo mais qui s’est révélée incapable de protéger efficacement les populations de l’Est, qui n’a pas mis fin aux trafics illicites de produits rares, qui s’est elle-même distinguée à maintes reprises par le mauvais comportement de ses soldats comme de ses cadres.

La seule réponse adaptée que l’on puisse apporter au problème posé par l’extension des conflits régionaux est celle qui se dessine actuellement en Afrique centrale avec la constitution d’une force régionale constituée d’unités nigérianes, tchadiennes, camerounaises, nigériennes. Connaissant bien le terrain sur lequel elles manoeuvrent, commandées par des hommes rompus aux techniques du combat de proximité, reconnues comme légitimes par les populations qu’elles sont chargées de protéger, ces unités ont une réelle capacité de vaincre. Et dès lors que les gouvernements s’accordent pour agir de concert, elles ont toutes les chances de mener à bien les missions qui leur sont confiées.

Le problème qu’il convient de résoudre si l’on veut qu’elles ramènent la paix là où celle-ci se trouve menacée est de nature financière et technique : financière parce que ces opérations coûtent cher, technique parce que les armes et les moyens nécessaires sont notoirement insuffisants compte-tenu de la puissance de feu des milices de Boko-Haram. Et c’est sur ce terrain que la communauté internationale devrait intervenir sans délai en mobilisant les ressources de toute nature qui permettront à la force africaine ainsi mise sur pied de neutraliser les milices extrémistes qui mettent le nord du Nigéria en coupe réglée.

Le temps est venu pour l’Afrique d’expliquer à ses partenaires qu’elle est capable de se défendre elle-même dès lors qu’elle dispose des moyens nécessaires, de leur rappeler aussi qu’ils sont largement responsables des drames qui l’affectent aujourd’hui et par conséquent ont des obligations auxquelles ils ne sauraient se soustraire.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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